Prosper Rossignol, un industriel d'exception
Prosper Rossignol (1924-2003) a bien mérité d'être appelé à la fois "le roi de la poubelle à pédale" et "l'empereur de l'armoire de toilette".
Comme Besnier
Le mayennais Prosper-André Rossignol mérite de figurer au panthéon des entrepreneurs de son département, aux côtés du fondateur de Lactalis, Michel Besnier, avec lequel « l’empereur de l’armoire de toilette » avait au moins deux points communs : il était né à Montsûrs et avait fait sienne la formule : Pour vivre heureux, vivons caché.
Félix Faure
C’est en 1945 que le jeune Prosper Rossignol, aidé par son frère Jean et son épouse Yvette, reprend la petite ferblanterie fondée par son père Prosper-Léon à Montsûrs en 1896, l’année où le président de la République Félix Faure honore de son élégante présence le chef-lieu du département de la Mayenne, Laval.
Les premières fabrications concernaient bidons à lait, entonnoirs et autres seaux à charbon qui, progressivement, vont être remplacées par les articles métalliques à usage domestique…
Cuisines et salles de bain
Aussi doué pour créer des produits que pour les commercialiser, Prosper-André saura faire entrer le nom de Rossignol dans les foyers de ses concitoyens, principalement dans les cuisines et les salles de bain. Mais aussi dans les toilettes des collectivités.
Eh oui, en 40 ans d’activité son usine a produit 37 millions de poubelles à pédale, 29 millions d’armoires de toilette et à pharmacie, 27 millions de boîtes à pain…
Travailleur infatigable
Avec un usage immodéré du chronomètre permettant de rentabiliser le moindre de ses gestes (« Y compris aux toilettes ! », a-t-il un jour confié à l’auteur de cet article), ce travailleur infatigable a effectué des centaines de semaines où… les 35 heures chères à Martine Aubry étaient largement atteintes dès le mercredi après-midi !
Meneur d’hommes efficace, ce grand timide avait su se faire violence pour exercer le rôle difficile de chef d’entreprise endossé à l’âge de 21 ans !
Les Trente Glorieuses
Gestionnaire astucieux, il diversifia également ses activités durant les Trente Glorieuses, via des créations d’entreprises et plusieurs prises de participations majoritaires dans des sociétés qu’il a permis de développer considérablement (mais sans jamais le claironner haut et fort) : Bellanger, Sotira, STMP, Gys, Omni-Méca, Maine Emballage…
A son zénith en 1974, l’année d’élection de Valéry Giscard d’Estaing à l’Elysée, Prosper Rossignol employait quelque 2 500 salariés dont 783 à Montsûrs.
C’était le chef d’entreprise le plus performant – et de très loin !- de son département !
Une mise impeccable
Toujours tiré à quatre épingles, la pochette assortie à sa cravate, les mocassins impeccablement cirés et le costume de la meilleure étoffe, Prosper Rossignol avait contracté ce goût pour une mise particulièrement soignée dans sa prime jeunesse : sa mère l’habillant chaque jour avec des vêtements qu’il jugeait affreux, il avait promis de se revancher une fois adulte.
D’autre part, ayant pris des responsabilités très jeune, il lui fallait à tout prix « se vieillir » pour apparaître crédible dans les négociations financières. D’où le port du costume été comme hiver…
L’église de Montsûrs
Prosper Rossignol a laissé l’image d’un homme affable, respectueux de son prochain en général et de son personnel en particulier. Par des prêts et des dons discrètement accordés, ce chrétien a permis à nombre de familles de se tirer d’affaire, à des « bonnes œuvres » d’être davantage utiles et… à l’église de Montsûrs d’avoir du chauffage !
Doté d’une sensibilité artistique qu’il exprimait dans des poèmes dédiés à ses proches, il appréciait le théâtre en général et les comédies de Robert Lamoureux en particulier.
L’amour du théâtre
Concernant son goût pour la scène, Prosper aimait montrer à ses amis sa remarquable collection de costumes qu’il avait achetée à un théâtre contraint de fermer ses portes.
Onze pièces de son château de Trankalou (Deux-Evailles) étaient nécessaires pour ranger ses innombrables tenues de chevalier et de duchesses, de duc ou d’agent de la paix, collections dont certaines dataient du XVIIe siècle !
Medef et CCI
Père aimant (deux filles : Martyne et Betty), grand-père gâteau, très attaché aux plaisirs simples de la vie de famille, Prosper Rossignol ne s’était jamais remis de la mort brutale de sa femme Yvette – dit Mivette - en 2000.
Retiré des affaires cinq ans plus tôt, il refusa toujours de faire ce que tant d’anciens industriels font pour meubler leurs journées et continuer de faire parler d’eux dans les colonnes de Ouest France : présider telle commission de la CCI ou telle cellule de travail du MEDEF…
SN Rossignol
Son nom survit néanmoins, grâce à « son » entreprise qui, tenue par des mains étrangères à sa famille, produit toujours des équipements sanitaires et des collecteurs de déchets.
Toujours à Montsûrs, et avec environ 120 salariés (chiffre 2010).