Maurice Gruau le curé qui débine son prochain
Le jeudi 7 février 2013, j'ai assisté à la conférence que le père Maurice Gruau donnait dans l'amphithéâtre (archi-bondé) de l'Université Catholique de l'Ouest, rue du Mans à Laval, à l'occasion de la sortie de son dernier livre, Mémoire d'un vieux prêtre. J'étais venu sur les conseils d'un ami qui apprécie tout particulièrement ce curé de choc et aussi par curiosité : quand un conférencier porte mon nom, j'aime bien savoir comment il défend "nos" couleurs ( a priori nous serions cousins à la mode de Bretagne...).
Le Maurice tenait l'affiche avec un ethnologue de qualité, Pascal Dibie, dont je vous recommande la lecture d'un ouvrage que j'ai savouré lors de sa sortie en 2006, Mon village métamorphosé, lequel relate les changements sociologiques survenus ces trente dernières années dans un village bourguignon, Chichery, où Maurice Gruau justement eut l'occasion d'être curé au cours de sa longue carrière.
Sans plan ni aucune logique particulière, la causerie de l'ancien vicaire général de la Mayenne dura une demi-heure et ne fut, du début à la fin, qu'une charge violente contre l'Eglise d'hier et celle d'aujourd'hui. Et que je brocarde tel évêque (qui n'était pas "au niveau"), et que je critique tel pape (qui a commis telles erreurs), et que je ridiculise tel paroissien (forcément aristo), et que je balance des vannes sur la sexualité du pape de l'époque (Benoît XVI, la bête noire du Maurice, "mais à son âge, maintenant, il est tranquille"). Et que je livre des noms de notables honnis, surtout (les Quatrebarbes, le père Chauvin "de famille avec un célèbre carrossier").
Pénible.Vraiment pénible. Et moi qui pensais jusqu'à hier soir qu'un prêtre, un homme de Dieu, ne devait pas juger son prochain...
D'une manière générale j'ai horreur des gens qui crachent dans le soupe et critiquent devant des tiers le milieu dans lequel ils ont évolué ou évoluent encore. Maurice Gruau n'a fait que cela le 7 février et sans jamais réussir une seule fois à susciter ni le rire franc et massif ni l'assentiment d'un public âgé et a priori bien disposé à son égard. Son numéro était d'autant plus pesant que cet homme de Dieu, après avoir critiqué la subordination de l'Eglise aux puissants d'hier (les nobles), n'a pas hésité à lécher avec une langue gourmande le derrière de trois familles de notables socialistes de notre département.
Ainsi nous a-t-il parlé - et en termes incroyablement chaleureux cette fois - des Guichenet (parents et fifils), Buron (Robert, Marie-Louise et Martine, la totale !) et, oeuf corse, Garot (le fils ministricule et le père, il est vrai présent dans la salle). En clair, rien de nouveau sous le soleil du côté d'un certain clergé qui aime à flatter les puissants si ce n'est qu'aujourd'hui les "bien-pensants" ne vivent plus dans un château de famille mais dans les hautes sphères du PS.
Constatant que le conférencier avait quelque peu déçu son auditoire par des critiques non constructives et pleines de fiel, le papa de Guillaumette, l'ancien député européen Georges Garot, a eu l'excellente idée de demander au Maurice ce qu'il convenait de penser de l'avenir et quelles solutions méritaient d'être mises en route. Mais alors là, comme il ne s'agissait plus de cracher sur le prochain, Momo s'est montré incroyablement sec, plat, creux, sans aucun intérêt pour son public ! Pour lui, "le monde change si vite" qu'il n'y a plus qu'une seule attitude à adopter : se comporter comme des "écoutants". Ouvrir l'oreille et écouter l'autre. Tu parles d'un conseil ! Merci Curé mais n'importe quel pilier de bar peut en dire autant !
Excédé par ce discours haineux, je me suis permis de demander le micro pour avouer à mon homonyme que si je l'avais connu plus tôt je n'aurais jamais eu la Foi. " C'est triste, lui ai-je dit, vous n'avez fait que critiquer tout le monde !" Je lui ai également dit que sa génération avait au moins réussi une chose : vider les églises, ce que l'octogénaire a reconnu bien volontiers et avec un sourire de vainqueur.( Un grand ami décédé il y a trois ans, Bernard Lefort, aimait à dire concernant la génération de prêtres ayant vibré pour Vatican II que le Saint-Esprit n'avait pas souhaité qu'elle se reproduisît...)
L'ancien vicaire de la Mayenne ayant également vivement condamné la soutane et le goût des jeunes ecclésiastiques pour les tenues plus visibles, je lui ai également conseillé de lire le point de vue du peintre Renoir (notre portrait) sur la question, point de vue qui s'adressait aux anti-cléricaux désireux de prêcher pour leur paroisse : " Les curés ont un costume. C'est plus honnête ! Comme cela quand j'en vois un, je fiche le camp ! Si vous voulez prêcher, vous devriez porter une costume. On serait prévenus !"
Une chose est sûre : on peut porter le même nom et avoir des avis diamétralement opposés sur la plupart des sujets de fond.
Un regret néanmoins : en me comportant ainsi, j'ai déçu notre ami commun cité en intro de cet article, lequel avait failli nous inviter à dîner ensemble, persuadé que notre rencontre déboucherait sur des échanges particulièrement intéressants.
Il va sans dire que ce repas de Gruau est reporté aux calendes grecques...