Bernard Le Godais ne votera pas en avril...
L’ancien maire de Saint-Berthevin, l’européen de la première heure (mais pas à la sauce fric, lui, celle du cœur et de la culture chrétienne), l’increvable, l’infatigable, l’inoxydable Bernard Le Godais est lui aussi passé de l’autre côté. Oui, même lui !, qu’on croyait taillé pour finir centenaire !
J’ignore quels seront désormais ses interlocuteurs mais ce que je sais - ce que nous savons tous - c’est qu’ils n’ont pas fini d’entendre parler de l’Europe, le grand – l’unique ? - sujet de cet homme hors du commun qui avait, entre autres drames, enduré les affres d’un stalag pendant cinq ans…
La première fois que je l’ai vu, c’était lors d’une Fête de la Bière avec orchestre bavarois au parc des Loges. Pompidou était encore à L’Elysée. Monsieur le maire de Saint-Berthevin m’avait enthousiasmé par son dynamisme et son sens de la fête. Il fumait comme un pompier (la pipe, le cigare et la cigarette), mangeait et buvait comme quatre, avait un tonus terrible. A un moment, sans doute pour accompagner l’orchestre, il a pris une trompette et s’est mis à souffler dedans. J’étais gamin et me suis dit : voilà un type à qui j’aimerais ressembler ! Sa pêche, sa famille, sa femme, ses combats politiques (la réconciliation franco-allemande), sa chaleur humaine, tout me plaisait chez lui !
Je l’ai revu plus de 20 ans après, en 1994. Mon frère et moi avions accepté de l’accompagner en Tchéquie pour remettre à un hôpital de ce pays une ambulance qui n’était plus aux normes chez nous. Bien sûr, une fois sur place, ils n’en ont pas voulu non plus car, entre le moment où l’idée avait germé dans le cerveau de Bernard et notre arrivée dans le pays de Vaclav Havel, les normes aussi avaient fait le trajet ! Cela nous a au moins permis de voir du pays et Bernard dans ses œuvres de missionnaire de l’Europe du cœur (encore elle, toujours elle !) Jamais fatigué, toujours prêt (comme les scouts) à tailler une bavette qu’il rythmait avec ses superbes mains d’artiste, d’intellectuel, de prophète européen (restons-y !)
Une anecdote parmi vingt autres : le lendemain soir de notre départ, alors que nous traversions une épaisse forêt tchèque en écoutant Bernard chanter le salve regina à tue-tête (inoubliable ! la vierge a dû apprécier ! ), voilà que notre retraité nous demande de nous arrêter devant deux femmes au loin qui faisaient du stop mais pas en tenue d’hospitalière de Lourdes. Il souhaitait leur demander notre route. Tu parles qu’elles s’attendaient à cela ces deux péripatéticiennes ! qui, entre nous soit dit, étaient autrement plus appétissantes que les fromages mayennais qui empestaient notre ambulance depuis deux jours et que nous devions également remettre à nos « amis » tchèques !
Notre excursion a duré quatre jours durant lesquels Bernard n’a pas cessé de vanter l’Europe, l’Europe, l’Europe devant des auditoires qui n’avaient pas d’autre choix que de l’écouter ! Pourquoi le nier : nous en eûmes vite ras-le-parlement-européen et je finis par dire à Bernard ce que je dirais à Jean Arthuis si je le fréquentais : "Tu nous fatigues Bernard, trop d’Europe tue l’Europe !" Mais c’était peine perdue : rien ni personne ne pouvaient arrêter Bernard Le Godais quand il était lancé dans un projet ou une conversation et… il était toujours lancé dans une conversation ou un projet ! C’est pourquoi certains – comme nous – l’aimions et l’admirions et pourquoi certains finissaient par le fuir !
Du reste, les conseillers municipaux de Saint-Berthevin, guidés par un type à qui il arrivera le même sort quelques années après, les conseillers berthevinois ont fini par en avoir marre et l’ont boulé de sa mairie en 1990. Pour calmer cette blessure, je lui disais souvent qu’un type de sa stature ne pouvait plaire à tout le monde et que son dynamisme avait aussi – parfois - des côtés agaçants... Mais ce ne sont pas ceux-là que je garde de lui aujourd’hui. Je ne retiens que ses bons côtés, innombrables et bien connus de ses proches. Sa finesse, sa culture catholique, son intelligence du cœur, la justesse de ses propos. Et, bien sûr, son amour extraordinaire pour la vie, la France, la Mayenne, sa famille en général et sa femme en particulier, sa chère Madeleine, à laquelle je pense tout particulièrement en écrivant ces lignes.
A Dieu Bernard ! Et salue de ma part tous nos proches ! Certains sont ravis de te voir arriver, je les connais. Ils ont raison : tu as mille choses à leur narrer !