Quand Mai 68 agitait les rues lavalloises
A Laval, Mai 68 a donné lieu à des manifestations exceptionnelles qui n’existent plus que dans la mémoire de leurs «vieux» participants et dans les journaux de l’époque – qui étaient déjà ceux d’aujourd’hui – Ouest France et Le Courrier de la Mayenne.
Prévue de longue date
Dans le chef-lieu de la Mayenne qui vit également naître le Douanier Rousseau, Mai 68 débute le 8 de ce mois, après une semaine d’agitation au Quartier Latin, par une manifestation d’initiative régionale et… prévue de longue date !
Dans le numéro spécial que la revue L’Oribus a consacré aux événements de Mai 20 ans plus tard, Christian Le Bart indique que cette «manif» exprime une colère précise: celle des Mayennais, inquiets devant l’insuffisante industrialisation, le chômage des jeunes, la dépréciation du pouvoir d’achat…
Pas de débordement
C’est pourquoi, ce 8 mai, à l’appel de plusieurs syndicats, 300 manifestants (dont une cinquantaine d’agriculteurs) se réunissent place de la Gare pour « attirer l’attention sur les différences économiques et sociales ressenties dans l’Ouest ».
Bien que les responsables syndicaux aient préconisé le calme, Le Courrier de la Mayenne signale que « des groupes barrèrent résolument les rues débouchant sur la place du 11-Novembre entraînant des embouteillages pendant une demi-heure ».
Néanmoins, « les incidents qu’auraient pu faire craindre l’attitude peu raisonnable de certains manifestants » ont été évités. Le Courrier y voit trois raisons: « le calme de la police, la présence des responsables syndicaux et… la patience des automobilistes! »
La manifestation du 13 mai
A Paris, le 13 mai, veille du départ du général de Gaulle en Roumanie, pour un voyage officiel de quatre jours, 200 000 manifestants se réunissent à place de la Bastille, à l’appel de tous les syndicats. Organisée contre les violences policières au Quartier Latin, cette "manif" est très suivie à Laval.
Elle débute vers 14 h, indique Le Courrier, quand un groupe de jeunes gens parcourt le centre-ville avec des banderoles en criant: « CRS-Assassins ! »
Ces jeunes pénètrent ensuite dans l’enceinte du lycée technique en scandant: « Le Lycée avec nous! » Quelques heures plus tard, un grand défilé général se forme après l’audition, à 15 h, des discours syndicalistes à la Maison du Peuple (aujourd’hui disparue), rue Noémie-Hamard.
La suite des événements: « envahissement de la mairie, bris d’une dizaine de chaises de la salle des fêtes, banderoles déployées aux fenêtres », puis retour vers la préfecture où les choses auraient pu dégénérer à cause de quelques provocateurs…
Vers 17h30, rue de la Gare, alors que, pour une nouvelle réunion, les manifestants remontent vers la rue Noémie-Hamard, ils reconnaissent et font stopper la voiture du maire de Laval, Francis Le Basser.
Cet ancien Résistant n'est point bousculé, mais les pneus de sa voiture sont dégonflés et sa carrosserie endommagée…
«La chienlit, non ! »
Le 19 mai, de retour de Roumanie, de Gaulle lance sa fameuse formule: « La réforme, oui ! La chienlit, non! » Un bide complet ! Dès le lendemain, le mouvement de grève se déclenche en Mayenne, touchant 4 000 travailleurs…
Il se développe et donne naissance, le 24, à deux manifs dans les rues de Laval. Le 25 mai, Ouest France titre en une: « Laval, la paralysie a gagné tous les secteurs. »
Baden-Baden
Le 27 mai, Laval accueille trois manifestations: le personnel de la SPIE à 10 h, celui des hôpitaux en début d’après-midi et les lycéens et enseignants à 17 h. Le 28, la grève gagne le textile…
Le 29 mai, coup de théâtre : de Gaulle se rend discrètement en Allemagne, à Baden-Baden, pour rencontrer certains chefs de l’armée, dont Massu. Il reparaît le 30 et annonce la dissolution de la Chambre et l’organisation d’élections législatives pour les 23 et 30 juin prochains…
Ce même 30 mai, un meeting lavallois regroupe 4 000 manifestants qui, en traversant la ville, marquent un temps d’arrêt pour écouter le discours de "Charlot 1er" à la radio.
Le reflux du mouvement de mai n’est pas loin…
Que de Gaullistes !
En effet, à l’appel des gaullistes, une immense foule se réunit à Paris ce même 30 mai, de la Concorde à l’Etoile. Le 31 mai, la tendance à la reprise est annoncée pour le mardi 4 juin, après le long week-end de la Pentecôte, dans plusieurs entreprises lavalloises dont Thomson, Les Nouvelles Galeries…
En attendant, le 1er juin, à l’invitation du comité de Défense de la République, près de 2 000 personnes manifestent dans les rues lavalloises en chantant La Marseillaise.
Mai 68 a vécu.
Et entre dans la légende…