L'Hôtel de Paris sous les Pillon (1870-1972)
Conçu en 2003 par le lavallois Vincent Bouvet, un livre raconte avec force anecdotes l’histoire de l’Hôtel de Paris. Via des dizaines de menus et de photos, il ressuscite la grande époque de ce palace, 1870-1972, qui vit trois générations de Pillon se succéder au 22, rue de la Paix…
Vincent Bouvet
Né en 1960, fils aîné de Claude Pillon et de Jean-Pierre Bouvet, l’ancien conservateur du musée d’art naïf (décédé en 1976), Vincent Bouvet est l’un des petits-enfants du dernier Pillon à avoir tenu, avec sa femme Geneviève, l’Hôtel de Paris…
Bien que surbouqué (il est l’un des deux piliers du groupe Cybergun, le leader mondial de la réplique d’armes, le "softair"), Vincent a tenu à rendre hommage à ses grands-parents maternels et, partant, retrouver une partie de sa jeunesse passée à déambuler dans les couloirs, les salons et la cuisine d’un hôtel qui fut pour lui comme une seconde maison.
Edouard et Cimérisse
" L’Hôtel est un condensé de société", écrit celui qui eut la chance de pouvoir recueillir le témoignage de son grand-père Jean Pillon, avant que ce dernier ne rejoignît, en 2001, les deux couples l’ayant précédé à la tête de l’hôtel : ses grands-parents Edouard et Cimérisse Pillon (1870-1900), et ses parents Ernest et Jeanne Pillon (1900-1940).
Mais entrons dans le vif du sujet…
L’histoire d’amour entre les Pillon et l’Hôtel de Paris commence sous le Second Empire. En 1870, horloger-bijoutier à Beauvais, Edouard Pillon (photo) décide, sur un coup de tête, de quitter et sa ville et sa profession pour s’installer avec femme et enfants à Laval, où vit l’un de ses bons copains de régiments. Précipité ce départ a une cause insolite : sa femme, la belle Cimérisse, a eu « à subir les avances un peu trop pressantes d’un officier prussien qui n’obtint en retour qu’une bonne gifle ! »
La rue de la Paix
La guerre finie, Madame étant bonne cuisinière, le couple Pillon prend en gérance l’Hôtel de Paris situé près du Théâtre, dans une rue qui deviendra celle de la Paix en 1871, après la pacification (avant, elle s’était appelée Napoléon puis, de 1870 à 1871, Quatre Septembre).
Imposant, l’immeuble de l’hôtel forme un quadrilatère autour d’une cour intérieure. « Devant le porche de l’entrée, précise Vincent Bouvet, passent les rails du chemin de fer départemental : une ligne qui relie Laval à Landivy au Nord-Est du département. » A cette époque – info à l’attention des stressés de 2011! – il fallait 3 h 10 pour parcourir ces 67 kilomètres !
Ernest et Jeanne
Edouard et Cimérisse ont deux filles, Blanche et Adèle, et deux fils, Georges et Ernest. Futur bijoutier (il s’installera à Béziers), le premier est un passionné de photographies. Disposant d’un laboratoire à l’hôtel (que ses parents ont acheté dès 1872), il s’approvisionne chez Hamel-Jallier (les parents de l’illustrateur Géo Ham) et prend des clichés qui donnent à l’ouvrage de Vincent un charme suranné.
Successeur de son père, Ernest Pillon tiendra l’hôtel avec sa femme Jeanne pendant quarante ans, de 1900 à 1940. Vincent indique que quand il en devient le patron, c’est la Belle Epoque ! « Une période faste pour l’hôtellerie internationale avec l’ouverture de nombreux palaces : Le Métropole à Bruxelles en 1895, Le Ritz à Paris en 1898, premier établissement disposant de l’électricité à tous les étages, avec une salle de bains pour chaque chambre. »
Des menus avec dix plats à suivre…
A Laval, les Pillon mènent une vie raffinée : « Chaque matin, écrit leur arrière-petit-fils, Jeanne mettait une fleur fraîche dans un vase en cristal de Bohème spécialement accroché au tableau de bord de la voiture automobile de son époux. »
Sans cesse modernisé, l’Hôtel des Pillon devient vite une enseigne réputée. Sa table est excellente et sa cave, la meilleure de la région. Il est vrai qu’avec la chasse, celle-ci est la grande passion d’Ernest.
Des repas pantagruéliques
Mais ce qui étonne le plus en 2011 – où les diététiciens font florès - c’est le nombre de plats qui défilent lors des repas ! Impressionnant ! Les explications de Jean Pillon : « En ces temps à la fois si lointains et si proches, il n’y avait ni cinéma, ni radio, ni télé ! Et la seule distraction possible était de profiter d’une cérémonie familiale – ou réunion corporative – pour se réunir autour d’une bonne table, pour des agapes volontiers prolongées. » Avec, souvent, plus d’une dizaine de plats à suivre…
Pieusement conservés, les menus de jadis – abondamment reproduits dans l’ouvrage de Vincent – surprennent par la qualité des vins servis. Comme l’écrit Jean Pillon : « Les meilleurs crus tels que Château Latour et Yquem y figurent couramment, alors qu’ils son devenus pratiquement inabordables depuis que les Japonais et autres peuples asiatiques peuvent en acquérir. »
Si la suite vous intéresse, elle se trouve dans Jean et Geneviève Pillon à l'Hôtel de Paris...