La "divine surprise" (journal intime)
En juillet 1995, quand débute cette histoire, j’ai 32 ans, une femme qui pète le feu et deux filles en bas-âge : Javotte et Anastasie, qui s’élèvent toutes seules. Depuis 1993 (l’année qui suivit notre retour à Laval après une longue période parisienne), je vis de ma plume en indépendant dans ma ville natale. Plutôt mal, je l’avoue, mais je suis libre de mes journées et n’ai point à obéir à un chef quelconque.
Je peux aussi lire aux toilettes le temps que je veux, et, si nos filles roupillent, crac boum avec Madame l’après-midi. La belle vie !
Autre raison de sourire : la CCI vient de décider de faire appel à ma plume pour son journal interne… Toutefois cette bonne nouvelle ne suffit pas à faire bouillir la marmite si mon plus gros client (depuis 1993), la mairie de Laval, ne me commande plus aucun papier pour son canard municipal… Or, depuis l’élection de François de Sénert en juin, c’est le cas ! Je sais seulement que le rédacteur en chef dudit canard envisage de démissionner en faisant jouer la clause de conscience (la droite arrive et il a été recruté par la gauche).
J’ai beau être un type plutôt à droite (famille, patrie, travail sont des valeurs qui ne me donnent pas de boutons), j’écris pour la gauche depuis deux ans. Mais les articles que je ponds pour Laval la Vie et Services compris (le journal interne de la mairie) sont apolitiques. Ils vantent le jardin de la Tartine, évoquent la jeunesse d'Alain Gerbault, décrivent le dernier comité technique paritaire ou brossent le portrait d'un nouveau responsable (des espaces verts, par exemple). Pas de quoi être sur la liste noire du Grand Orient de France !
Je l’avoue à qui me le demande : je suis enchanté de gagner ma croûte ainsi car j’ai pris conscience que le moindre fait local est susceptible de m’intéresser sitôt que je dois le décrire avec mon stylo, mon meilleur ami à l’époque (ex aequo, depuis dix ans, avec mon maillot de bain de nageur). Oui, je suis heureux d’avoir pu, l’année de mes 30 ans, mettre un pied dans le journalisme sans jamais avoir dû lécher le c. d’un directeur de journal ou d’une relation quelconque qui m’aurait fait sentir que je lui devais ma place…
En effet, cette collaboration avec la Ville était fille du hasard… En 1993, une jeune femme du service communication, Francette Ruisseau, avait demandé à ma cousine Angèle Pachanbéric si elle ne connaissait pas une plume susceptible de la dépanner en attendant l’arrivée du nouveau rédacteur en chef [Pierre Discret]. Angèle m'avait mis sur le coup : « Vas-y, tu n'as rien à perdre... » Je l'avoue néanmoins : le souvenir de mon grand-père de droite m'avait fait hésiter à passer un coup de fil. Comment ! Devoir bosser avec des socialos !
La suite, dans le livre…