Récréation : ces mots latins de tous les jours
L'Empire du Bien n'aime pas le latin qui, pour lui, sent l'Eglise, le passé, la transmission, la réaction, bref tout ce qu'il déteste.
Malgré cela, nous parlons tous (un peu de) latin chaque jour.
Cette petite histoire fictive en témoigne...
En arrivant à l’agence d’intérim, Pierre est allé voir Jean, son ancien factotum qui venait de réciter son credo et son pater noster. Eh oui, ce catholique fervent prie chaque matin au bureau, a fortiori quand la journée s’annonce délicate…
Ce que Pierre aime chez son associé, c’est qu’il n’a pas un ego surdimensionné. Et pourtant, ce n’est pas un vulgum pecus ! Il a un sacré cursus et un curriculum vitae garni de satisfecit avec, au minimum, deux titres de docteur honoris causa ! Il passe aussi très bien dans les media…
Grosso modo, Pierre et lui ont les mêmes pouvoirs avec chacun un droit de « veto » concernant certaines décisions. Mais selon un « processus » bien rodé, c’est Jean qui, in fine, donne l’imprimatur. Il est vrai que c’est un homme de consensus qui sait écouter la vox populi …
A priori quand Jean a tort il fait son mea culpa. Cela lui est arrivé pas plus tard qu’hier, après avoir voulu virer manu militari un ancien client, un senior qui savait pourtant qu’il était devenu persona non grata dans l’agence !
Quand Jean l’a vu entrer, il lui a rappelé illico presto qu’il était indésirable ad vitam aeternam à l’agence. Comme l’autre ricanait, Jean l’a menacé de lui envoyer l’énorme pile de prospectus qui trône dans l’entrée. "Vade retro, Satanas !" a-t-il aussi hurlé, perdant ainsi beaucoup de son aura auprès de la secrétaire…
In extremis, Jean a accepté de se calmer après que son alter ego a réussi à lui prouver qu’envoyer un ancien client ad patres ou à tout le moins au funérarium serait une mauvaise pub pour l’agence… D’autant qu’avec les caméras de surveillance, il y aurait forcément une vidéo…
« Il faut trouver un modus vivendi avec cet olibrius, a poursuivi Pierre dans une pièce à côté, seul à seul avec son alter ego, car figure-toi qu’il ne travaille plus dans la boîte qui nous a lâchés l’an dernier après nous avoir fait bosser gratis pro deo pendant un an !
Il est désormais chef de projet chez « Criterium », notre plus gros client ! « Volens nolens », nous devons l’accepter ! » Jean a d’abord opposé un « non possumus » ! « Quid » ? a-t-il dit à Pierre. Accepter ce « minus » chez nous, « intra muros » ! « Que nenni » !
Je veux d’abord qu’on organise un referendum ! Mais si je perds je n’aurai de cesse qu’on revienne au statu quo ! Pierre a alors élevé la voix : « Cher Jean, je prends ta décision pour un casus belli et te demande de te rétracter ! C’est la condition sine qua non pour que je reste dans la société !»
Après deux minutes de réflexion, Jean est venu s’excuser auprès du nouveau cadre de chez Criterium qui, Pierre dixit, aurait, en prenant la pause, prononcé les paroles de César annonçant au sénat sa victoire éclair sur le roi du Pont : Veni, vidi, vici !
Une fois rentré chez lui, Jean se prit de bec avec sa fille aînée quand elle lui annonça qu’elle voulait devenir prof de latin plutôt que DRH et ce y compris chez Lactalis, Veolia ou encore Aventis…