Rions avec Alphonse Allais (1854-1905)
Dans ses livres, Muray explique très bien pourquoi « l’univers hyperfestif » est « aussi celui où disparaît cet abandon festif au principe de plaisir qu’était l’usage de l’humour, de la drôlerie, du mot d’esprit, du rire critique, du non-sens, des diverses formes de l’esprit de problématisation. L’univers hyperfestif est celui où toute plaisanterie se trouve plus que jamais guettée par le vautour vertueux. L’existence actuelle doit être aimée en tant que telle, et il devient même interdit de ricaner de soi ». (Après l’Histoire, janvier 1998, De l’époque qui commence).
Ces choses dites, voici un article qui permet de rire avec Alphonse Allais (1854-1905) dont l’humour faisait rire et troublait à la fois à cause de leur sens de l’absurde…
« Bonjour m’sieurs dames ! »
Comme beaucoup de « comiques », Alphonse Allais n’avait rien du boute-en-train. « S’il cache son bonheur, il le cache bien », disait de lui Georges Courteline. Il ne riait jamais et parlait peu mais alors, que de bons mots !
A l’armée par exemple, alors qu’il entrait dans une salle garnie d’officiers, il lança un tonitruant « Bonjour m’sieurs dames ! » qui fut diversement apprécié…
Un jour, il avoua à un ami qu’il avait mangé de la vache enragée dans sa vie. Et d’ajouter, après un silence : « Mais pas tous les jours ! »
Ils sont fous ces Anglais !
Son mot le plus célèbre concerne les Anglais : « Ils sont complètement fous ! Chez nous, toutes les rues portent des noms de victoires : Wagram, Austerlitz… Tandis que là-bas : Trafalgar Square, Waterloo Place... ils n’ont choisi que des noms de défaites ! »
Sur l’Empereur, il fit aussi cette réflexion frappée au coin du bon sens : « On aura dire et beau faire, plus on ira, moins en rencontrera de gens ayant connu Napoléon… »
Toilettes… gratuites !
Fils de pharmacien, il entra un jour chez un confrère de son père en lui demandant s’il faisait des analyses d’urine : « Bien sûr, Monsieur ! – Alors donnez-moi vite un bocal ! » Ce dernier rempli, il le tendit à l’apothicaire : « Je reviendrai. » Son besoin ayant été satisfait, il ne revint jamais…
A part écrire ses contes (deux par semaine, un pour le « Journal », l’autre pour le « Sourire »), Allais ne savait quoi faire de sa vie : « Il ne suffit pas d’avoir du talent, a-t-il écrit. Il faut encore savoir s’en servir. »
Le sens de l’Absurde
L’humour d’Allais annonce le théâtre de l’Absurde : « Ne remets pas à demain ce que tu peux faire après-demain… » « La nuit tombait. Je me suis baissé pour la ramasser. »
Pour justifier une réponse tardive à un ami : « Excuse-moi d’avoir mis si longtemps mais quand la lettre est arrivée, j’étais au fond du jardin… »
Sur Honfleur, sa ville natale : « En été il y fait vraiment chaud pour une si petite ville. »
Jane Avril se refuse…
Bien que doté d’un beau visage de Viking, il fut malheureux en amour se montrant incapable de séduire une femme pourtant fort généreuse de son corps avec des hommes qui ne le valaient pas, la danseuse de french cancan Jane Avril.
Ses échecs répétés l’incitaient à penser que l’homme était imparfait. Bien sûr, il avait son explication : « Pas étonnant si l’on songe à l’époque où il fut créé… »
La dive bouteille
Alphonse Allais est mort à 51 ans. « Il avait bu sa mort verre par verre, a écrit le journaliste Hervé Lauwick dans un livre savoureux « D’Alphonse Allais à Sacha Guitry ». Lequel Guitry avouait ne l’avoir « jamais vu ivre, jamais dégrisé ».
Sa mort survint après une dernière soirée au café, qu’il eût été sage d’éviter. Allais y rencontra un ami et lui dit à voix basse : « Reconduis-moi jusqu’à mon hôtel. Demain je serai mort. »
Une fois encore il inquiéta car il tint cette lugubre promesse…
Mais dès le lendemain, il devenait immortel : grâce à tous ses bons mots qui enrichissent les milliers de livres de citations liées à l’esprit français.