Le patois s'apprend avec les Parlers du Maine
Ceux qui veulent apprendre le patois mayennais doivent consulter le "Petit Dictionnaire Patoisant des Parlers du Maine". Heulà k'c'é-ti eun bon livre !
L’ancienne province du Maine
Destiné à transmettre aux générations futures la mémoire de notre culture locale, le Petit Dictionnaire Patoisant des Parlers du Maine est un glossaire du parler populaire et paysans de l’ancienne province du Maine découpée, en 1790, par la Constituante, en deux départements : Sarthe et Mayenne.
Suzanne Sens
Cette séparation se retrouve sur la couverture de ce livre paru aux éditions du Petit Pavé en 1999 avec deux noms, un par département : Françoise Vallès pour la Sarthe et Suzanne Sens pour la Mayenne, celui qui intéresse cet article.
D’abord institutrice en campagne puis à Laval, la mayennaise Suzanne Sens écrit depuis 1973 des ouvrages destinés principalement à la jeunesse. Auteur de plusieurs romans et biographies publiés chez différents éditeurs : Les Contrebandiers du sel, Les Forgerons de la Malterre, Le Chouan de Mortefontaine, Je suis Mozart, Alain Gerbault, Chopin, La Fontaine…
Plusieurs prix lui ont été décernés dont celui de l’Académie du Maine.
Ancienne institutrice
Pour réunir les mots courants du patois mayennais, Suzanne Sens a beaucoup interrogé sa mémoire d’ancienne institutrice en milieu rural qui a fréquenté des centaines d’élèves « causant » quotidiennement le mayennais sans avoir besoin du moindre dictionnaire !
« Si je leur ai appris un peu de français, du moins je l’espère, eux m’ont enseigné quantité de mots et d’expressions en patois ! » Un enseignement exclusivement oral… D’où la difficulté d’écrire un dictionnaire car, dans ce domaine, point d’ouvrage de référence du style Littré !
Et Suzanne Sens de confier : « J’ai donc choisi la sonorité la plus favorable ! »
Du vieux français
« Le mayennais n’est pas une langue originale, confie notre lexicographe mais un patois fait de mots en vieux français (choir) mais surtout de mots français mal prononcés. »
C’est ainsi que un devient « eune » ; ruisseau, « ruissiau »…
Règle de base : tous les ER ou EUR sont prononcés EU : aller devient « alle » ; voleur « voleu »…
D’autre part, les A sonnent souvent O : la mare devient la « more » ; c’est rare, c’est « rore »…
Auxiliaire avoir
Autre caractéristiques : les verbes au pluriel font entendre le ENT prononcé ANT : ils « serrant » leurs pommes ; autre chose : on emploie presque toujours l’auxiliaire avoir : j’ai sorti, j’ai tombé, j’ai parti…
Savoureux et pleins de malice, certains termes se retrouvent également dans nombre de provinces françaises. Et sous la plume de bons auteurs : Colette, La Varende, Chateaubriand, Balzac, Vincenot…
Les grands classiques
Quiconque vient rendre visite à un Mayennais apprendra avec profit deux mots suivants qui le feront accepter par toute la « communauté » :
il y a « claver » : du vieux français claver mais on dit aussi crouiller, avec un verrou, d’où les verbes décrouiller (dévérouiller) et encrouiller (enfermer à double tour) ; l’autre mot est une exclamation que le Mayennais emploie à tout propos, toute la journée car elle peut traduire indifféremment la joie, la peine, la surprise, l’inquiétude, l’admiration, la honte et, qui sait, la jouissance… c’est heula !
Travaux pratiques
Pour faire des travaux pratiques, un petit texte, tiré, lui, d’un autre ouvrage également savoureux et à conseiller à quiconque s’installe en Mayenne : Le Patois Mayennais (édition du cercle Jules Ferry).
Il évoque Jésus sur la croix, une leçon de « catéchiss » relative à la Passion du Christ : « I y’avait catéchiss venderdi dergnie’. Vlà le labbé qui fait s’assire les quegniots su’ les bancs d’l’église, et pis i ieu z’esplique que v’là bitout Pâques et pis i ieu raconte la Passion, comment qu’Jésus i fut mis su’la Coi, qu’on y mit des clous et pis tout. «Qu’é-qu’vous en pensez, les enfants ? »
Bin ! i n’en pensint rin ; rin n’causait.
Le Petit René
Le labbé i r’commence, i r’esplique : « Des clous longs comm’ça, qu’on enfonce ô eun’ masse, là, et pi côr là, et là . Alors ! qu’i fait en s’enfiant, vous n’en pensez rin ? »
Alors le p’tit René, qui vient d’avèr’ ses huit ans, lève son p’tit dai, i s’met su’bout et i dit : « Ben fallait bin qu’i tient ! » »
Eh oui, ça c’est du bon sens ! Du bon sens mayennais !