La franc-maçonnerie à Laval
Dans un livre d’entretiens très éclairant sur la politique française, La droite où l’on n’arrive jamais, l’ancien directeur de cabinet du Président Arthémis Poncifs, François-Xavier Blandine, décrit ainsi le milieu lavallois au début des années 90 : "A l’époque, Laval, chef-lieu du département de la Mayenne, avait un maire socialiste, d’ailleurs plutôt sympathique, quoiqu’il endettât exagérément la ville. Sa tendance n’était pas marxiste, mais maçonnique : une gauche très IIIe République". Et de poursuivre :
« La franc-maçonnerie est très présente là-bas [à Laval], résultat d’un effort de longue date visant à faire basculer cette région autrefois très catholique, berceau de la chouannerie, dans le camp républicain. Cet objectif ayant été atteint, et l’agitation communiste n’ayant jamais affecté cette région plus rurale qu’ouvrière, on peut dire que la culture de gauche régnait paisiblement. Pourtant au cours de mes discussions avec les collaborateurs du maire je fus surpris par le fanatisme latent qui animait leur action politique. »
Ces lignes je ne les aurais pas comprises en 1993, quand je commençai à "collaborer" avec la Ville de Laval. Les francs-maçons, pour moi, c'était de l'histoire ancienne : celle de la IIIe République que j'avais apprise à Sciences-Po. Je ne pouvais imaginer qu'ils étaient si nombreux dans ma ville natale, si influents, et que j'en croiserais autant. A dire le vrai, n'étant intéressé ni par l’argent (ça enchaîne !), ni par le pouvoir (ça rend con !), je n'avais point à suivre un plan de carrière qui m'obligeât à devenir un "frangin" en intégrant telle ou telle loge susceptible de faire avancer mes affaires professionnelles !
La maçonnerie locale, je la découvris subitement quand, ayant eu un jour une altercation avec un élu de la Ville, je reçus dans la foulée un coup de fil d’un conseiller général de mes relations. D’une voix doucereuse, il me demandait de ménager l’élu en question. « Mais enfin, lui répondis-je, tu connais la phrase de Bernanos : Pas de pitié pour les imbéciles ! » Suivit un second appel téléphonique plus précis : « Tu devrais te méfier ! » et, comme je ne comprenais toujours pas, mon interlocuteur finit par me lâcher le morceau : « Fais gaffe mon vieux, ce type est un franc-mac ! » Tiens, donc, pensai-je alors, un type moyen peut donc avoir du poids !
Attiré par la provocation, j'ai toujours pris un malin plaisir à évoquer dans C'était Laval les sujets historiques qui fââââââchent, la loi de 1905 par exemple et les problèmes que la séparation de l’Eglise et de l’Etat entraîna dans mon département. A l’époque, la droite n’étant point portée sur le bleu-blanc-rouge, elle s’opposait à la toute puissance maçonnique dont l’objectif était d’installer durablement la République dans le pays en écrasant l'infâme, à savoir la religion catholique. Pour avoir entendu cent fois mon cher grand-père raconter des anecdotes sur cette période, je pense la connaître suffisamment - côté chouans - pour l’évoquer dans des articles….
Comme ce grand-père disparu en 1985, j'ai toujours été fier d'être le descendant d'une lignée d'artisans de Maisoncelles-du-Maine situés dans le camp des curés et des châtelains (charron et charpentier, mon arrière-grand-père Arsène Gruau travaillait essentiellement pour les deux "grandes familles" du village, les Quatrebarbes et les Veyzins). Aujourd'hui encore, alors que l'époque se moque de tout particularisme lié à l'histoire de France, il m'arrive fréquemment d'avoir des réactions qui, j'en suis persuadé, réjouiraient mes aïeux rebelles à l’idéologie républicaine… C'est idiot mais c'est comme ça, chanteraient, s'ils m'entendaient, Ray Ventura et ses joyeux Collégiens...