Ma vie de libraire chez Duquesne Diffusion (III) : de l'importance de la vitrine...
Merci cher JCG de me lire votre dernière chronique concernant votre beau et noble métier...
« Dans l'un de ses romans, L'Histoire de M. Polly, le mondialiste fabien H. G. Wells évoque un jeune étalagiste de grand talent, Mr Parsons. Lequel parle ainsi de sa passion : « Une devanture, quand vous passez devant, doit vous saisir par surprise, elle doit vous faire dire : Hé là ! Une devanture doit arrêter les gens. Agripper le passant ! »
Je ne saurais mieux dire en évoquant la devanture de chez Duquesne Diffusion qui revêt une importance que je ne soupçonnais pas avant de m'en occuper depuis fin janvier 2025. Je dois donc la chérir avec toute l'attention que Mr Parsons lui accorderait s'il en avait la charge. La soigner aux petits oignons pour qu'elle suscite l'intérêt du plus grand nombre de ceux qui passent devant sans nous connaître.
Ces passants sont nombreux, très nombreux. Il y a ceux qui se rendent à leur travail : dans les ministères (évoqués lors de ma dernière chronique), à l'école militaire, l'Unesco ; les touristes qui souhaitent visiter la Tour Eiffel et les Invalides ; ceux qui, dans l'autre sens, ont un train à prendre à la gare Montparnasse...
A la louche, plusieurs milliers de personnes que notre devanture doit, selon le mot de Parsons, agripper.
Et ce, grâce à la trentaine d'ouvrages qu'elle exhibe à la face du monde.
D'où l'intérêt de « bien choisir » ces derniers.
Mais qu'est-ce qu'un bon choix dans ce domaine ? Car les passants en question ont chacun des thèmes de prédilection, des personnages historiques ou des auteurs qu'ils portent aux nues et qu'on ne saurait deviner sans avoir pu les interroger sur leurs préférences…
Un jour, peut-être, le plus tard possible espérons-le, l'intelligence artificielle, l'IA comme est nommé cet oxymore dans les media, offrira aux libraires une application leur permettant de savoir avec certitude quels livres sont susceptibles d'être achetés immédiatement par tel ou tel quidam qui passe devant la vitrine de leur commerce…
En attendant cette « avancée technologique », le libraire d'aujourd'hui doit compter sur ses propres méninges. Son pif, comme on dit vulgairement, pour miser sur tel ou tel titre et, comme un pêcheur, patienter ensuite jusqu'à ce que les poissons mordent à l'hameçon…
D'où la nécessité pour ce même libraire d'exposer des titres qui sortent des sentiers battus. Des sentiers battus de la maison Chiré s'entend, car ceux qui la connaissent déjà n'ont pas besoin de regarder la vitrine pour savoir quels titres se trouvent chez Duquesne.
En clair, la vitrine n'est point faite pour eux…
Il est donc inutile, voire contre-productif, de se polariser sur nos thèmes principaux, notre «cœur de cible» pour parler comme un spécialiste de mercatique… La défense de la France catholique, par exemple, ou la haine des mondialistes à l'égard de l'espèce humaine (une haine que la multiplication des vaccins et autres injections en tout genre permet de mesurer).
On ne va pas exposer des titres de Joseph de Maistre, Charles Maurras, Jean Ousset, des frères Charlier, Gustave Thibon, Jean Vaquié, Jean Madiran. On laissera également sur les rayonnages de la boutique les encycliques écrites par les papes qui choisirent le prénom Pie…
J'apprécie ces auteurs, bien sûr ! mais sais aussi par expérience qu'ils ne «cartonneront» jamais en vitrine, qu'ils n'accrocheront point l'œil du chaland. Ils le feraient plutôt fuir au contraire… Rapport au bourrage de crâne médiatique qui ne prend jamais de vacances, à la propagande des différents gouvernements anticatholiques qui se succèdent depuis…
Depuis toujours, en fait.
C'est pourquoi il ne sera jamais « vendeur » de vouloir exposer des livres qu'on apprécie tout particulièrement parce que destinés à expliquer et, partant, justifier les choix courageux d'un Philippe Pétain (Je brûlerai ma gloire, de Jacques Boncompain), d'un Pie XII (Le pape outragé, d'Alexis Curvers) et, entre autres, d'un Guy Sajer (Le Soldat oublié)…
Autre constatation, personnelle celle-là : les passants qui s'arrêtent devant notre vitrine se passionnent le plus souvent pour des sujets qui ne suscitent aucun passion chez moi, voire, me laissent de marbre ! Je pense à un titre concernant les jardins des Tuileries qui ne m'intéressent guère (la preuve : j'ai oublié son titre !). Même manque d'intérêt de ma part pour des titres relevant de la médecine naturelle (La pharmacie de Dieu…) et, autre sujet qui m'ennuie, de l'aviation : Mes vols de Jean Mermoz, une biographie de Charles Nungesser par Patrick de Gmeline (De l'as de la Grande guerre au disparu de l'Atlantique), les exploits de Pierre Clostermann (Le Grand cirque)…
J'avais du reste choisi ces titres en fonction du (relatif) désintérêt qu'ils suscitent chez moi…
Bonne pioche : tous ont trouvé preneurs le jour même !
Je confesse aussi que je ne lis plus de bandes dessinées depuis mes dix-douze ans (j'avais dévoré les Tintin, Astérix et autres Lucky Luke), ce qui n'est pas le cas des clients qui se montrent sensibles aux publications de Glénat, des éditions du Triomphe, de la maison Plein Vent… Des clients qui apprécient de découvrir, via le « 9e art », la vie des saints et des grands personnages historiques… A noter que ces clients le deviennent souvent parce qu'ils passent avenue Duquesne en compagnie de nos meilleurs agents commerciaux : leurs chères têtes blondes…
Il arrive - Dieu merci ! - que les livres exposés en vitrine m'enchantent.
Ce fut le cas avec ceux de Sacha Guitry que j'ai dénichés dans les rayonnages de chez Duquesne la semaine où j'ai pris mes fonctions.
Ce fut d'abord, du regretté Jacques Lorcey, Sacha Guitry roi de Paris un titre qu'acheta quelques heures après sa présentation un vieux client sensible à la faconde de celui qui vécut à quelques centaines de mètres de notre maison, dans son hôtel particulier du 18, avenue Elysée-Reclus. Ayant découvert Si j'ai bonne mémoire et autres souvenirs, je recommençai l'expérience avec le même succès. Puis ce fut au tour du Qui Suis-Je écrit par Jacqueline Blancart-Cassou ! Acheté sitôt mis en vitrine ! Même opération et même réussite le lendemain avec le 4e et dernier titre disponible avenue Duquesne, signé, lui, par Bernard Leconte : La France de Sacha Guitry.
Ah, Guitry ! Quel esprit ! Quel talent ! Comme en témoigne ce bon mot, qui séduira de nombreux abonnés de Lectures françaises :
Il va falloir qu'un jour je me décide à lire les livres que, depuis trente ans, je conseille à mes amis de lire.
J'en ai un autre sous le coude, qui semble avoir été écrit pour moi :
Vous lisez beaucoup ? - Non. Mais je lis beaucoup ceux que je lis.
J'ai évoqué les achats impulsifs, qu'on effectue dans la minute qui suit la découverte de l'ouvrage en vitrine. Mais, parfois, l'achat a été médité quelques jours avant, un dimanche ou un lundi pour être précis, quand la boutique est fermée. Ainsi ai-je vendu un mardi à une maman d'Outre-Rhin un ouvrage sur les armures du XIIe siècle que son fils avait repéré le dimanche en flânant dans l'avenue.
Bref, la vitrine de chez Duquesne Diffusion, mérite toute mon attention...
Un dernier point pour les amateurs de célébrités d'aujourd'hui : la vitrine en attire parfois, qui habitent ou fréquentent professionnellement le quartier, des « guignols de l'info » témoignant ainsi d'une certaine curiosité à l'égard du livre.
Ces derniers mois, j'ai ainsi reconnu la fille de Jacques et Bernadette Chirac qui avait un rendez-vous dans l'un des ministères situés en face (santé ? travail ? solidarités ?), l'animateur de Télématin William Lemergie (1989-2017), qui passe régulièrement avec un petit toutou en laisse.
Le samedi 30 mai, alors que notre porte était grande ouverte à cause du soleil qui brillait sur Paris et que je devisais non loin d'icelle avec deux excellents clients qui se reconnaîtront, un visage très connu de l'audiovisuel de 2025 apparut devant nous, qui étudiait la vitrine.
« Mais oui, c'est bien lui, indiqua X, c'est Pascal Praud ! », l'animateur-vedette de la chaîne CNews (rebaptisée CJews par certains observateurs un tantinet taquins), un Nantais d'origine qui passe pour un homme d'extrême-droite parce qu'il aurait soutenu Zemmour lors de la dernière présidentielle de 2022.
Nous discutâmes quelques secondes avec lui, qui nous cita, je ne me rappelle plus pourquoi, l'un de nos auteurs les plus prolifiques : André Figuéras (1924-2002), un résistant de première bourre devenu farouchement anti-gaulliste quand le Grand Charles trahit honteusement les partisans de l'Algérie française qui lui avaient pourtant permis de revenir au pouvoir.
Praud se souvenait d'un titre de Figuéras paru en 1982 et qu'il n'oserait point commenter sur CNews : Ce [sic] canaille de D.
Notre entretien fut bref mais suffisamment long pour que je puisse affirmer que la « star» possède au moins deux qualités que nombre de ses pairs n'ont point, n'auront jamais : il connaît de bons auteurs et n'a pas la grosse tête.
Quant au livre de Figuéras, permettez-moi de vous livrer sa 4e de couverture :
« Après la fausse Résistance, voici dénoncée la fausse innocence. Entre 1894 et 1906, on assista, sous prétexte de défendre un officier douteux, un capitaine canaille, à la première mobilisation générale de l'anti-France : certains juifs, par racisme, les Francs-Maçons, les antimilitaristes, les anti-cléricaux, les politiciens corrompus qui sortaient étrangement indemnes de "Panama", les intellectuels dévoyés, s'unirent pour déstabiliser l'Armée, l'Eglise, et la Patrie. Depuis lors, cette entreprise infâme n'a point cessé. Car le but éternel des éternels "dreyfusards" est de mener la France aussi bas que possible. »
Pourquoi cette citation ?
Parce que le 2 juin 2025 « ce canaille de Dreyfus » a été élevé, à titre posthume, général de brigade par un vote unanime des députés français, preuve éclatante s'il en est que les actuels anti-France du Palais Bourbon, les «éternels dreyfusards » évoqués par Figuéras, sont toujours à la manœuvre pour faire disparaître le substrat national de notre pays.