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Hommage à l'ami Christophe Claeys (1976-2021)

 

 

 

Pour résister à ses incessants problèmes de santé qui lui ont en partie gâché ses dernières années, Christophe n'avait pas seulement besoin de sa chère Aliette et du secours de Notre Seigneur Jésus Christ qui nous accueille ce jour dans sa maison, il lui fallait également l'aide de la Librairie française, sise, elle aussi, au 5 de la rue Bartholdi, au pied de chez les Claeys.

Car c'est peu dire que Christophe aimait lire !

Lire pour approfondir sa foi et mieux connaître les champions du catholicisme.

Lire pour essayer de comprendre les raisons du chaos actuel.

Lire pour trouver des remèdes à ses douleurs quotidiennes.

Lire pour mieux supporter la souffrance, l'apprivoiser et lui donner le sens de la Croix.

Pouvant répondre à toutes ces demandes, notre librairie méritait amplement pour notre ami le titre de commerce essentiel que le Gouvernement lui a décerné lors du dernier «reconfinement», un commerce essentiel que Christophe, physiquement ou par téléphone ces neuf derniers mois, fréquentait chaque jour ouvrable ou presque depuis son installation dans le quartier deux ans avant l'arrivée de votre serviteur comme vendeur-polyvalent le 4 juillet 2017.

J'ignore si le meilleur client de notre librairie dans la catégorie christianisme est venu ce jour-là dès l'ouverture ou en milieu d'après-midi - mais je me souviens parfaitement de son arrivée avec Aliette, et de son fauteuil roulant qui m'obligea de longs mois à ranger chaque jour les caisses de livres qui pouvaient « obstacler» les déplacements de ce quadragénaire toujours bien sapé car il comptait déjà plus de vêtements de couleurs vives que de cheveux de couleur sombre…

Lors de l'été 2017, son insatiable curiosité intellectuelle me crispait, si j'ose dire, un tantinet car elle penchait exclusivement pour des ouvrages ou des produits que nous n'avions pas en stock ni même au catalogue !

Je me souviens de deux séries de CD inconnues au bataillon, l'une sur les grands philosophes présentés par l'ancien ministre Luc Ferry et l'autre retraçant l'histoire de notre pays vue par une obscure bonne sœur, ainsi que d'un ouvrage qui tardait à débarquer et dont l'auteur - pour une dédicace éventuelle - était injoignable car c'était un contemporain de Charlemagne…

Ce furent mes toutes premières commandes, ça ne s'oublie pas, d'autant que ce client en fauteuil roulant avait beau afficher un sourire grand comme ça qui mettait en valeur ses yeux bleus, il n'était pas vraiment du genre patient quand il s'agissait de nourritures spirituelles destinées à sa consommation personnelle…

Vif et nerveux, Christophe Claeys était plutôt du genre à téléphoner trois fois dans la journée pour demander si le livreur était passé : «Allo JC, salut, c'est Christophe, est-ce que mes livres sont arrivés ?» Cette question je l'ai entendue des dizaines de fois jusqu'à une date récente - et rien ne m'était plus agréable que d'avoir reçu ce qu'il attendait, des œuvres, le plus souvent, que le commun des mortels n'aurait pu lire sans recevoir une solide formation théologique tant les textes étaient difficiles et les ouvrages, volumineux….

Des oeuvres, soit dit en passant, que nous aurions pu laisser dans une caisse sur le trottoir nuit et jour sans tenter le moindre voleur...

Quand les commandes étaient en notre possession, sa réponse téléphonique était immuable : «Super !, Aliette passera tout à l'heure avec un chèque…»

A ce sujet, j'avais beau lui dire que le paiement pouvait attendre, que nous avions toute confiance en lui, que sa femme n'était pas fichée au grand banditisme… rien à faire : Christophe tenait mordicus à payer le plus vite possible ou, dernier carat, le lendemain soir si j'étais, une fois de plus, invité à prendre l'apéritif chez lui…

Car ce grand anxieux devant l'Eternel, c'était l'un de ses principaux défauts, ne supportait pas de nous devoir quelques jours de l'argent…

(Comme quoi on peut travailler ou, plus exactement, avoir travaillé dans les assurances à un haut niveau et être d'une honnêteté exemplaire !

D'une honnêteté exemplaire et aussi d'une grande générosité car, outre les nombreux dons qu'il effectuait auprès de multiples associations catholiques, Christophe fut l'auteur, peu de temps avant son mariage, d'un geste peu commun et qui laissa pantois tous ceux qui en furent informés - à commencer par les deux bénéficiaires : offrir une nuit d'hôtel à deux clochards du XVe arrondissement que Christophe avait rencontrés et qui s'apprêtaient à dormir comme chaque soir dans la rue malgré un froid permettant de douter du réchauffement dit climatique !)

Christophe, c'était aussi ce genre d'homme : un cœur d'or qui ne tergiversait pas au moment d'ouvrir son porte-monnaie, un donateur qui ne remettait jamais au lendemain ce qu'il pouvait offrir le jour même...

Notons qu'il était aussi, qu'il était surtout d'une immense générosité quand il s'agissait de donner son avis sur des sujets divers et variés mais tout spécialement sur ceux liés au catholicisme, son domaine de prédilection, et ce que ce soit dans sa chambre avec ses amis ou, quand ses jambes le permettaient, dans sa famille : d'aucuns approuvaient ses positions, les trouvant enrichissantes, mais d'autres, qui pensaient différemment, j'ai fait une enquête sur le sujet, les redoutaient quelque peu, et souhaitaient qu'il laissât parfois aux vestiaires certaines opinions susceptibles de créer des tensions... Car cette langue bien pendue était, parfois, souvent, et Aliette le confirmera, inarrêtable parce qu'il ne pouvait pas comprendre - ni même imaginer un instant - que ses interlocuteurs n'aient pas le même appétit que le sien pour le débat d'idées...

C'est pourquoi La Librairie française était pour lui un véritable paradis où jamais personne ne freinait ses réflexions, ne contrariait sa verve, ne ralentissait son débit, c'était, comme on dit familièrement, « open bar » ! Beaucoup même, qui me l'ont avoué après l'un de ses passages, étaient sidérés par ses connaissances qui auraient pu faire de lui un chargé de mission au Vatican à l'époque de son cher Monseigneur Gaume auteur d'un Catéchisme de persévérance en huit volumes que Christophe avait lu et médité pendant ses repos forcés…

C'était aussi, parfois, un vendeur d'une redoutable efficacité, une sorte de prosélyte indépendant non déclaré à l'Urssaf et qui aimait à convertir les clients qui étaient à deux doigts d'une préparation au baptême... Un titre avait sa préférence, qui ne vous surprendra pas : L'homme peut connaître Dieu, d'un certain Jean Dollié, qu'il nous fallait absolument avoir en stock quand Christophe débarquait dans la boutique...

A noter qu'il avait également réussi à nouer des relations amicales avec certains auteurs qui n'étaient point, loin s'en faut, des personnes faciles à accrocher en dehors des séances de dédicace. Mais avec Christophe, ce genre de relation pouvait s'établir rapidement car ses avis de haut vol permettaient aux auteurs de progresser dans leur travail et leur quête de la Vérité…

Les hasards de la vie ont fait que l'un deux, qui avait une dédicace chez nous le dernier samedi que Christophe a vécu, a eu la bonne idée de monter le voir dans sa chambre, et ne l'a point regretté, surtout quand nous lui avons appris la terrible nouvelle qui nous réunit ce jour. Il ne l'avait pas trouvé en forme, bien sûr ! mais Christophe avait su, une fois de plus, tenir son rôle de penseur…

Disons-le haut et fort en conclusion et pas seulement parce que, comme le chantait, Brassens, une fois qu'ils ont cassé leur pipe, les morts sont tous des braves types, Christophe Claeys fut un personnage étonnant et, surtout, un homme de grande qualité qui avait tout pour réussir sa vie : la foi, l'intelligence, le cœur, l'épouse qui lui convenait, une mentalité de résistant aussi, très sollicitée ces jours-ci…

Il avait tout sauf la santé, hélas !, sujet qui revenait immanquablement dans ses propos et que ses interlocuteurs avaient souvent envie de botter le plus vite possible en touche car toute solution satisfaisante pour que notre ami retrouvât une forme olympique semblait impossible à mettre en place tant Christophe et le corps médical, pour différentes raisons que nous tairons ce jour, ne pouvaient plus trouver le moindre terrain d'entente !

Disons que nous, ses proches, savions qu'il y avait un problème, un problème grave et persistant, qu'il n'était pas couché toute la sainte journée par paresse, qu'il ne refusait pas de se mettre assis par coquetterie, qu'il n'évoquait pas ses problème de jambes, de dos, de cou, de foie pour se rendre intéressant, mais pas plus que nous ne pouvions l'imaginer retrouver son tonus d'antan nous ne pouvions croire à une issue tragique le concernant : mais enfin !, quand le cerveau est aussi bien irrigué que le sien, quand on peut s'exprimer aussi longtemps et sur des sujets aussi difficiles on ne craint rien de vraiment méchant, non ?

D'ailleurs, nous, ses amis, ne faisions même plus attention à ses problèmes de santé tant sa conversation demeurait égale à elle-même, plaisante et tonifiante ! Eh oui, même couché dans son lit de souffrances, Christophe était infiniment plus vivant que bien des sportifs pétant de santé certes ! mais indissolublement liés à leur portable...

Hélas la situation s'est dégradée à la vitesse grand V fin septembre et Christophe nous a quittés physiquement le vendredi 2 octobre dernier, il y a trois semaines déjà...

Mais il a tant parlé, tant prié, tant pensé au 5, de la rue Bartholdi que la Librairie française sera toujours dans l'incapacité d'en parler jamais au passé.

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