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Deux ans de lecture (IV) : Georges Picard, Jérôme Garcin, Dominique Bona, Thérèse Hargot, Heinz Linge...

Cher JCG je reviens vers vous pour que vous évoquiez brièvement les dernières lectures qui furent les vôtres pendant votre période de recherche d'emploi. J'ai cru comprendre que vous vous êtiez intéressé à un sujet que peu de penseurs d'aujourd'hui mettent en avant bien qu'il soit funeste pour l'avenir du pays : la pornographie…

Oui, j'ai lu en 2024 le dernier ouvrage de la sexologue Thérèse Hargot : Tout le monde en regarde (ou presque) Comment le porno détruit l'amour. C'est un thème qui « m'intéresse »  au plus haut point car je considère depuis plusieurs années que c'est l'ennemi public numéro Un des jeunes hommes d'aujourd'hui. Celui qui les empêche d'avoir des relations normales avec le beau sexe… Celui qui les rend frénétiques devant la première fille qui passe dans leur champ de vision pour peu qu'elle porte une jupe et des talons aiguille. Celui qui les rend obsédés et, paradoxalement, celui qui les rend impuissants…

En clair celui qui déglingue tout sur le plan des relations hommes-femmes…

Je le pense.

La (très) belle Thérèse dit des choses frappées au coin du bon sens  même si elle passe sous silence la meilleure recette pour dire stop à ce fléau : la peur de l'Enfer…

Vrai ! Mais elle explique quand même que les gens qui s'adonnent à ce genre de spectacle favorisent la prostitution…Car la plupart des filles qui sont filmées le sont pour des raisons financières… C'est du business ! Et la plupart des «actrices porno» vivent un calvaire…

N'exagérez-vous pas un peu ?

Nullement, je n'affirme pas cela à la légère. Mais après avoir lu (achetée 50 centimes chez Emmaüs), l'autobiographie d'une ex-jeune actrice porno parue en 2001, et qui s'était vendue à 50 000 exemplaires rien qu'en France : Hard, de Raffaëla Anderson. Laquelle s'était fait connaître un an plus tôt (en 2000) en interprétant le rôle de «Manu», féministe radicale et sans concession, dans un film tiré d'un roman qui porte un titre que l'on a tendance à garder pour soi quand on peine à le trouver sur les rayonnages d'une librairie : B.-moi.  

Et alors ?

Jeune banlieusarde encore vierge, Raffaëla tombera dans le X du jour au lendemain. En participant à un casting qui lui promettait de gagner de l'argent facilement. Beaucoup d'argent. Elle n'imaginait pas qu'on pût lui demander de faire certaines choses, qui deviendront ensuite, et pendant quelques années, ses activités professionnelles...

Elle raconte son aventure, avec des mots, des phrases à elle, qui crisperont nombre de puristes voire de simples amateur de français correct. C'est néanmoins le ton qui convient à ce milieu sans foi ni loi. « Qu'est-ce qu'elle parle de respect dans cette profession, écrit-elle, ça n'existe pas !»

Ce qu'il faut retenir c'est que Raffaëla a vécu, oui, je le répète, une sorte de calvaire : « Dans les films, même si on aime pas les gens on bosse quand même.» D'autant qu'elle préfère les femmes, si vous voyez ce que je veux dire… Plusieurs phrases de son cru ont eu droit à un coup de stabilo de ma part mais je n'en lirai aucune, pour des raisons évidentes : elles sont trop « crades» pour trouver place dans cet entretien…

Allez, une petite quand même ?

Oui, celle-ci, qui démontre que Mademoiselle Anderson est une moraliste : «C'est étrange la vie, les gens bien galèrent pour s'en sortir, pas les autres

On dirait du Jean Dutourd…

Si vous le dites…

Un autre livre proche de ce sujet ?

Loose girl, un témoignage plutôt bien écrit, lui, ou, pour être précis, plutôt bien traduit, qui est l'œuvre d'une  psychothérapeute exerçant dans l'Oregon, Kerry Cohen. Une ancienne paumée de chez Paumée, qui raconte sa jeunesse durant laquelle elle pratiqua une «sexualité débridée», non parce qu'elle avait le feu au derrière (comme on disait dans le temps) mais parce qu'elle ne savait pas dire non à un homme. Si si, ça arrive…

« C'est l'histoire d'une dépendance […] à l'attention masculine ». L'histoire d'une femme « qui ne se définit qu'à travers les hommes, et que sa quête d'amour effrénée laisse toujours insatisfaite. »

Intéressant ?

Disons que ce livre m'a permis de mieux comprendre le comportement de certaines femmes, plus ou moins jeunes, des femmes que j'ai connues. Je sais maintenant pourquoi la fille Unetelle avait autant de petits copains…Pourquoi telle vieille connaissance avait choisi de se mettre en ménage avec tel type pourtant archi-minable… Mais le plus intéressant, je tiens à le dire,  c'est de savoir que cette Kerry est sortie de ce bourbier, de cet enfer…

Un extrait, s'il vous plaît :

Kerry parle d'un certain Iggy : « Lorsqu'il porte à nouveau le joint à ses lèvres, sa manche de chemise glisse, découvrant des entailles sur son poignet. Je me demande ce que ça fait d'être dans sa peau. Il doit avoir une bonne raison de prendre autant de drogues. Pour être honnête je n'ai pas envie qu'il me touche. Il sent le tabac froid et n'a pas dû laver ses vêtements depuis belle lurette. Mais je ne me sens pas prête à le repousser. J'ai besoin qu'il me désire. C'est ce qui passe par-dessous tout. Je me dis aussi que ces marques sur son poignet montrent qu'il a un côté sensible, et que je pourrais l'aider à se découvrir. »

En avons-nous fini avec vos lectures où le sexe joue un rôle primordial ?

Oui, ce n'est pas un sujet que je privilégie. Mais, puisque nous l'abordons, voici une information que nous livre dans ses mémoires, Jusqu'à la chute, le majordome d'Hitler,  un dénommé Heinz Linge, mémoires parus après la mort de ce dernier, en 1980, et présentés par un spécialiste du Führer, Thierry Lenz.

Ce livre est « considéré  par les spécialistes comme un témoignage de premier ordre pour sa description de l'intimité de [Tonton Adolf] »… Il a paru en mars 1980 et eu droit au commentaire suivant du Figaro Magazine peu porté sur l'hitlérisme : « Aussi captivant qu'un thriller, l'ouvrage se lit d'une traite, du paradis perdu (du point de vue de Linge) jusqu'à l'apocalypse finale. »

Tiens donc, on va tout savoir…

Tout, peut-être pas, c'est chose impossible ! mais de quoi clouer le bec à ceux qui colportent des niaiseries concernant la vie sexuelle du chancelier à moustache. Car dans ce domaine, les pires ragots, les insinuations les plus loufoques sont chaque année déversés par centaines.  

« Interrogé pendant ma captivité en Russie, j'ai souvent été questionné pour savoir si j'avais vu les organes sexuels du Führer et s'ils étaient normaux. Je n'avais aucune idée de ce que les Russes auraient voulu qu'ils fussent ; mais je dis simplement comment ils étaient. Naturellement, je n'avais pas vu une seule fois Hitler entièrement nu. Pour ce qui est des remarques allusives de l'officier qui m'interrogeait, à savoir qu'Hitler n'avait pourtant qu'un seul testicule, je ne pouvais qu'en rire et je le fis aussi, ce qui me valut de douloureux désagréments : je fus rossé. Tout aussi absurdes et bizarres étaient les remarques des Russes selon lesquelles j'avais dû avoir moi-même des relations sexuelles avec Eva Braun, parce que Hitler ne pouvait probablement pas ; j'ai compris assez souvent qu'il pouvait. D'après mes observations, les relations sexuelles entre Hitler et Eva Braun étaient même par moments particulièrement vives. Je dois dire que j'ignorais lequel des deux était le plus actif. Eva Braun était d'allure très sexy, pour employer un concept actuel, mais le Führer l'était aussi. »

Ce témoignage vient compléter celui de Rochus Misch : J'étais garde du corps d'Hitler 1940-1945, lequel qualifie Heinz Linge de «personnage arrogant, peu sympathique et ambitieux désirant à tout prix devenir chef de notre commando».

Est-ce tout concernant la Seconde Guerre mondiale ?

Non. En 2023, j'ai lu un ouvrage concernant La mort de Rudolf Hess racontée par son fils. Curieusement, je ne m'étais jamais intéressé à ce dauphin d'Adolf Hitler qui est parti, au péril de sa vie, en Angleterre dans la nuit du 10 au 11 mai 1941, pour négocier la paix avec Churchill…

Il échouera - hélas - et passera, dans la foulée, 46 ans de sa vie dans une solitude carcérale inhumaine et que l'histoire officielle met volontairement de côté car s'il avait raconté sa mission, les décisions que le Reich aurait pu prendre pour sauver la paix, les anglo-saxons auraient peut-être été tenus pour responsables de la Seconde Guerre mondiale…

Cette histoire n'est pas nette de chez Nette...

Hess est mort en 1987, peu de temps après que Gorbatchev eut donné son autorisation pour sa libération… Cause officielle de cette mort : suicide. Mais nous ne sommes pas obligés de croire la version officielle. Surtout quand on a lu l'ouvrage précité…

Je suis intimement persuadé que les Anglais redoutaient le témoignage de Rudolf Hess qui, quoi qu'en pense du national-socialisme, fut une sorte de héros…

Rochus Misch en parle également…

« Parler du vol d'Hess, écrit-il, c'est revenir en arrière, reprendre un récit qui commence quelques mois avant son décollage définitif. C'est ici même au Berghof, un soir aux environs du mois de novembre 1940, que tout semble avoir commencé. Peu avant le dîner, un aide de camp est venu nous demander de trouver des convives pour la table. Un camarade s'est alors souvenu qu'Hess était dans les parages, dans son chalet alpin situé non loin de la maison du Führer. « Il pourrait tout de même se montrer un peu », dit-il avant de lui passer un coup de fil. Hess était libre et s'est présenté peu de temps après.

« A la fin du repas, un messager a surgi dans la pièce. Il s'est approché d'Otto Dietrich pour lui remettre une dépêche. Le chef de presse l'a lue rapidement, puis l'a remise à Hitler, qui a parcouru le document à son tour. Le Führer s'est arrêté, a tenu le papier devant lui, et s'est exclamé : Mais enfin, que dois-je faire de plus ? Je ne peux tout de même pas prendre un avion et aller me mettre à genoux devant eu ! »

Lors de ce même dîner, Hess affirma « quelque chose comme Hitler ne peut effectivement pas le faire. Mais moi, en revanche, je le peux. » Je saute des lignes pour vous lire celles-ci qui montre le courage de Rudolf Hess :

« Sepp Plater se procura des bottes spéciales pour le saut en parachute d'Hess. Bien que le bras-droit d'Hitler pour tout ce qui regardait le parti ait été un très bon pilote, il n'avait jamais sauté d'un avion. Son valet de chambre lui fournit également les banages que l'on entoulait autour des jambes des sauteurs débutants pour éviter qu'ils ne se brisent des os au moment d'atteindre le sol. Hess, lui, s'était préparé un uniforme militaire qu'il devait revêtir au moment où il monterait dans l'avion. Il avait appris qu'un civil sautant en parachute d'un avion inconnu sur le territoire britannique avait toutes les chances d'être collé contre un mûr et abattu par le premier gendarme venu. En revanche, Hess pensait avoir la vie sauve en tenue militaire, les Anglais avaient la réputation d'être très stricts là-dessus. »

Passionnant, je lirai ce livre…

C'est un livre politiquement très incorrect car voici ce qu'écrit Misch à propos de son patron, à la fin de son chapitre sur L'envol d'Hess

« Hitler a très mal pris le départ de Hess au point de rester cloîtré trois jours dans ses appartements du Berghof. Puis, quand l'arrestation d'Hess fut officiellement annoncée par Londres, il redescendit. Il réunit un grand nombre de dignitaires nationaux-socialistes et, le soir même, un communiqué fut divulgué soulignant les problèmes de santé du dauphin d'Hitler  en mettant l'accent sur une prétendue confusion mentale et autres troubles psychiques ».

Pour Mosch c'était « une réaction purement politique, une décision tactique prise en pleine tourmente. Elle ne [le] concernait pour ainsi dire pas. En tout cas, cette réaction à chaud et trompeuse n'a en rien affecté ni altéré l'image [qu'Il s'était] faite d'Hitler au fil de ces premiers mois passés à ses côtés ».

Et de poursuivre :

« Même en cette période de crise, [Hitler] dégageait indiscutablement quelque chose de particulier. Mieux que quiconque, il donnait cette image du père bienveillant. Ce n'étaient très certainement pas Bormann ou Göring qui pouvaient prétendre à un tel statut. Hitler pouvait être autoritaire, parfois colérique mais incapable, d'après ce que je pouvais observer à cette époque, de coup tordu ou de mensonge éhonté. Se trouver aux côtés du Führer, c'était ressentir un véritable sentiment de sécurité et d'attention sincère. » 

Et son garde du corps de conclure : « Je crois, comme beaucoup d'entre nous, avoir eu envie qu'il me remarque, qu'il m'apprécie dans mon travail et mon comportement. »

Oui, je lirai ce livre…

Vous ne le regretterez pas…6 euros, Le Livre de Poche, 250 pages…

D'autres livres sur le nazisme… 

Concernant ce sujet hautement sulfureux,  j'ai lu avec le plus grand intérêt Juda ou Hitler de Saint-Loup, une reconstitution du Procès de Nuremberg. Quand on s'intéresse à ce sujet, ce qui est mon cas, c'est l'un des meilleurs livres jamais écrits…

Et je le recommande à tous ceux qui s'intéressent à l'histoire de la Seconde Guerre mondiale..

Pouvez-vous nous en parler ?

Je me contenterai de vous donner le nom de son éditeur : La Sfinge.

Mais je n'en dirai pas un mot de plus… Nous sommes en France où la liberté d'expression n'existe pas…

D'autres auteurs..

Oui, l'un en particulier que j'ai continué de lire lors de mes premiers mois de chômage : René Girard. J'en ai tant parlé en famille que l'un de mes fils m'a offert un ticheurte avec un J devant un gros cœur rouge et, en dessous :  René Girard…

Je pense que vous êtes le seul humain à posséder un tel tricot de peau...

J'ai lu aussi de lui - et c'est mon livre préféré : Je vois Satan tomber comme l'enfer. Quelques semaines après j'ai commencé Mensonge romantique et vérité romanesque… Je me suis aussi procuré, via un libraire ami, Le Cahier de L'Herne qui lui est consacré ainsi que la monumentale biographie écrite par son ami et confident Benoît Chantre… 

J'ai lu aussi Du désir à la violence, un livre sur Girard écrit par Sylvain Durain.

Je le confesse bien volontiers : le christianisme vu par le prisme de Girard me passionne.  Girard est ainsi devenu en quelques semaines l'un de mes penseurs préférés, avec Philippe Muray et Pierre Hillard… 

J'ai encore relu pas plus tard que la semaine dernière le discours de réception à l'Académie française de Girard écrit et prononcé par Michel Serres. Formidable ! Eh oui, Girard a réussi à me faire apprécier ce Michel Serres que je ne supportais pas jusqu'à présent. Je le trouvais pédant, péteux, insupportable...

D'autres lectures ?

J'ai lu également, écrit par une twittos que je suis depuis plusieurs années, une femme d'esprit, très drôle, très spirituelle, Adina de Souzy, Une dictature nommée Démocratie… Un recueil de ses meilleurs gazouillis concernant la PLANdémie covidienne…

D'autres auteurs lus avant que vous ne retrouviez le chemin de Paname…

Puissance de la Grâce, un ouvrage qui recense une vingtaine de témoignages d'hommes et de femmes s'étant récemment convertis au catholicisme dit «sédévacantiste» (le vrai, le seul, le seul vrai pour ces derniers). Si je devais écrire un article sur cet ouvrage, je garderais le titre, certes ;  mais j'ajouterais à Puissance de la Grâce : et du talent d'Adrien Abauzit

Car nombre de conversions évoquées l'ont été grâce aux émissions radiophoniques de cet avocat toujours percutant…

C'est un sujet qui m'intéresse beaucoup et que j'évoque longuement dans mes souvenirs de libraire de droite… 

Moi aussi mais j'avoue avoir beaucoup de mal à trancher …  D'autres ouvrages que vous auriez lus pendant votre passage à France Travail et que vous aimeriez évoquer ?

Des livres concernant la littérature française…

Nous vous écoutons…

J'ai lu Les Mots de ma vie de Bernard Pivot, qui l'a perdue (je parle de sa vie) peu de temps après, à 89 ans… J'ai apprécié nombre de ses réflexions à commencer par celles concernant Simon Leys, qu'il place au pinacle.

A propos de Simon Leys, j'ai lu dernièrement une sorte de biographie littéraire que je recommande à tous ceux qui voudraient découvrir ou mieux connaître cet immense écrivain, qui parlait de littérature comme personne.

Son titre ? Son auteur ? Son éditeur ? Son prix ?

Simon Leys Vivre dans la vérité et aimer les crapauds. Par Jérôme Michel. Michalon. 12 euros.

Pour en revenir à ce bon vieux «Nanard» Pivot, j'avais lu de lui un gazouillis sur Twitter qui me l'a fait maudire. Il évoquait les injections censées lutter contre le covid 19 :

« Il faut coupler le grand oral du bac avec la vaccination des candidats. Avec un bonus de vingt points pour celles et ceux qui accepteront d'être piqué à l'AstraZeneca. »

J'ai répondu qu'on pouvait avoir une bibliothèque plus importante qu'un écran plat et être un parfait imbécile. Me connaissant, c'est hélas le souvenir que je garderai de Pivot car j'en voudrai jusqu'à mon dernier souffle à tous ceux qui auront abusé de leur «pouvoir merdiatique» pour contraindre les esprits faibles à la pseudo-vaccination…

Littérature française suite…

J'ai lu également un pamphlet des années 50 de Raymond Dumay, Mort de la Littérature, qui partait en croisade pour la survie de la littérature et la défense des écrivains. Très intéressant.

Même son de cloche pour les Carnets intimes de l'édition française

Un livre publié en 1995 qui donne la parole à 53 éditeurs (connus ou inconnus du grand public) qui narrent chacun deux ou trois anecdotes concernant la littérature. Il y a des paroles que j'ai lues avec d'autant d'intérêt que je chercherai bientôt un éditeur… C'est un travail d'éditer un livre, ce n'est pas à la portée du premier quidam venu. François Nourissier le savait mieux que personne :

« Les directeurs littéraires, dans leur grande majorité, n'interviennent plus assez dans l'élaboration finale du manuscrit. Ils devraient faire comprendre aux auteurs qu'entre la remise d'un texte et son envoi à l'imprimerie il y a des réglages, un travail nécessaires à effectuer en commun. Déjà certains cèdent à la panique :

- Si vous dites ça à un auteur vous le faites fuir. il signe ailleurs

Voire. L'inflation de la masse imprimée a déclenché une concurrence si sévère que les auteurs ont tendance aujourd'hui à écouter les conseils qu'on leur prodigue. Seulement tout le monde laisse aller. Le niveau et le pouvoir du langage périclitent. Ce laxisme m'affole. »

Est-ce tout pour la littérature ?

Non, vous rigolez !

J'ai également relu deux ou trois titres de  Jacques Brenner, mon critique préféré.

L'état dernier, ma mère m'a offert l'ouvrage de Dominique Bona concernant Les Partisans, Kessel et Druon une histoire de famille. J'ai beaucoup apprécié, étant jeune, ces deux écrivains liés par le sang (le second est le neveu du premier).

Le livre débute quand ils quittent la France pour rejoindre l'Angleterre avec une femme étonnante, la maîtresse de « Jeff » à l'époque, Germaine Sablon. Il y a beaucoup d'anecdotes sur ces deux personnages de la littérature française. Une chose se dégage des premières pages, les Résistants de Londres passaient du bon temps dans les pubs et les night-clubs. C'était la belle vie, qu'on ne nous raconte pas n'importe quoi à ce sujet !

Un extrait, s'il vous plait…

Il est tiré d'un chapitre où Bona différencie l'oncle du neveu qui, vous le savez certainement, était un « enfant du péché » qui ne fut reconnu ni par son père Lazare - qui se suicida peu de temps après (en 1920) - ni par son grand-père.

« A l'opposé de l'univers familial des Kessel où la Russie, mêlée au judaïsme des ancêtres dans un exil revendiqué mais difficile en France [qui] compose un terreau bouillonnant et instable, nourri de fièvres, propice aux drames et aux excès, l'univers des Druon [le père adoptif du futur auteur des Rois Maudits] a pu apparaître [à Maurice] telle une solide architecture : stable, organisé, régulier, bourgeois. Il a tout de suite aimé cet univers-là. Pareil à un garde-fou qui le protégeait de gènes incontrôlables, il lui a permis de se construire. Et d'éviter les pièges des Kessel, les dangereux démons de l'oncle Jef.

« Maurice Druon apprécie le vin et les boissons fortes, il a une bonne descente à la boisson mais jamais ne s'enivre ; il fume d'abondance de  bons, d'épais cigares, mais sans cette nervosité qui pousse son oncle à allumer une cigarette après l'autre ; il garde mesure en toutes choses, sauf dans ses éclats de colère homériques, qui alors le rattachent, malgré lui, à l'oncle Jef. Lequel oncle a encore un point d'avance dans ce domaine puisqu'il est capable sur un coup d'humeur de casser la vaisselle, les vases, et le meubles d'un bar ou d'un restaurant, ou même d'une maison d'ami quand on l'a contrarié et qu'il a trop bu. Maurice Druon se contente de hausser le ton et d'afficher mépris ou indifférence. C'est qu'il a choisi pour phare Apollon plutôt que Dionysos. Il sera toute sa vie et volontairement du côté de la mesure, de l'organisation, de la maîtrise de soi et de la calme ambition, plutôt que de l'esprit d'aventure, du goût du risque et de la passion qui inclut toujours des débordements. »

Intéressant…

« L'écrivain Picouly demanda un jour à Druon ce que l'oncle et le neveu avaient « en commun, l'un et l'autre ?» Réponse de l'intéressé : la passion d'écrire. Et leurs différences ? Alors Druon sourit, il doit revivre un moment lointain, dont l'affectueux souvenir adoucit tout à coup son comportement de grand notable, arborant la rosette au revers de son costume gris anthracite : Kessel n'était attaché qu'à l'individu. Moi, c'est la collectivité qui m'intéresse. Jef me disait : Tu veux toujours mettre de l'ordre dans la société, laisse donc tomber, c'est impossible. »   

Merci pour cette réponse… Un autre livre à nous indiquer…

Oui, l'ouvrage d'un critique littéraire que je n'apprécie pas, Jérôme Garcin : Des Mots et des actes où il évoque, avec force citations à retenir, Les belles lettres sous l'Occupation. Ah, quelle époque divine ! La littérature était encore de ce monde, comme il le démontre par ces lignes, qui achèvent le chapitre Le Diable et le Bon Dieu lié aux relations entretenues par deux écrivains que tout oppose bien qu'ils aient entretenu une correspondance littéraire que je lirai prochainement (si je la trouve à un prix intéressant) : Jean Paulhan et François Mauriac

Je vous écoute…

« Le meilleur de Mauriac, celui du Bloc-Notes, et le meilleur de Paulhan, celui des Fleurs de Tarbes, sont réunis dans un volume de lettres qui brille et coule comme du vif-argent. Il raconte une époque, proche et lointaine, où il y avait encore une littérature engagée, un roman catholique, d'éloquents dialogues épistolaires, de grandes revues, des conflits idéologiques, et des écrivains assez haut perchés pour être au-dessus de leurs propres divergences et illustrer avec éclat le mot de Malraux, dans L'Espoir : L'amitié ce n'est pas d'être avec ses amis quand ils ont raison, c'est d'être avec eux même quand ils ont tort. »

Vous auriez aimé vivre à cette époque ?

Je vais vous surprendre mais j'y fais, et depuis tant d'années, de si fréquentes incursions que j'ai l'impression d'y vivre six mois par an…

Un tout dernier titre ?

Oui, Cher lecteur, de Georges Picard. Passionnant  ! Il y aurait cinquante extraits à citer de ce volume dans lequel l'auteur rend hommage à ses deux passions : la lecture et l'écriture.  C'est le livre d'un lecteur pour d'autres lecteurs, et d'un écrivain pour d'autres écrivains.

Je me contenterai de ces quelques lignes concernant les disparus qui écrivaient. « Les relations avec les écrivains morts en particulier sont au nombre des relations les plus poignantes, les plus solennelles, les plus consolatrices aussi qu'un esprit puisse entretenir ;  pour ma part, je sais bien qu'il n'est pas de jour où plusieurs d'entre eux  ne soient mêlés à ma vie avec un degré d'intimité qui mène au bord des larmes. »

Superbe !

Oui, mais ce n'est pas de Georges Picard ! C'est de Charles du Bost. Du premier, sur ce même sujet, il y a celle-là, savoureuse également : « Un jour, un imbécile qui me voyait lire Proust m'a reproché de préférer la compagnie des morts à celle des vivants. Le pauvre se croyait plus vivant que Proust ! »

Il est bon ce Picard…

Oui, allez encore trois dernières  : « On ne peut pas tout lire mais, dans un monde idéal, on le devrait.»

« Quand je dis que des idées sortent du cerveau, je devrais dire des mots, puisqu'il n'y a pas d'idées sans mots, seulement des intuitions vagues. La richesse du vocabulaire fait la richesse de la pensée ; or le vocabulaire s'apprend par la lecture. Syllogisme qui conclut que la pensée s'apprend surtout par la lecture. Cela je l'ai toujours cru comme j'ai presque toujours vérifié que les gens qui lisent peu pensent souvent de façon moins subtile et moins variée, justement par manque de mots. »

« Pour un écrivain, il y a pire que de ne pas être lu : être mal lu. »

D'autres lectures ?

Des vieux Rivarol des vingt dernières années. Relus avec d'autant plus de plaisir que j'y retrouvais des plumes que, parfois, j'avais eu l'occasion de découvrir ou de rencontrer pendant mes cinq années à la Librairie française. Je me suis rendu compte combien il était sage de conserver ma collection de «Riva», qui ne vieillira jamais car nombre de sujets évoqués sont impérissables.

Ce sera le mot de la fin...

Non, je préfère qu'on se quitte avec les lignes suivantes de Georges Picard...

Je vous écoute...

« A propos de hasard, pourquoi, dans les livres, tombe-t-on si souvent sans les rechercher sur des idées proches de celles qui nous occupent ? Voilà une forme d'attraction surprenante et jouissive. Il m'est arrivé plusieurs fois d'en avoir la surprise ; je ne dois pas être le seul. Dans N'espérez pas vous débarrasser des livres (Grasset, 2009), Jean-Claude Carrière et Umberto Ecco font la même remarque. Vous feuilletez un livre de cinq cent pages et, presque aussitôt, vous tombez sur une image ou une réflexion qui s'incruste merveilleusement dans votre pensée à l'endroit précis où elle manquait. »

Très fin, alors nous nous quittons sur ces lignes...

Oui, car s'il reste encore quelques lectures que je pourrais citer (on lit beaucoup quand on est au chômage), je tiens, je le répète, à ne jamais lasser le lecteur qui nous fait l'honneur de lire nos entretiens…

Très bonne soirée et à bientôt cher JCG...

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