Michel Davard ou le bonheur d'être un élu

Le Lavallois Michel Davard nous a quittés en décembre 2011 après des années de galère et de souffrances diverses. La vie ne l'a pas ménagé, c'est le moins qu'on puisse dire ! et la seule véritable période heureuse de ce personnage parfois étonnant fut celle où il siégea au conseil municipal, entre 1995 et 2001, aux côtés de François d'Aubert. 

 

Dans Laval Infos

C'est dans le numéro de mars 1998 que j'accordai à Michel une pleine page dans Laval Infos. J'appris ainsi aux Lavallois que cet avant-dernier rejeton d'une famille de huit enfants était né le 29 janvier 1962 à Chatillon-en-Vendelais. J'avoue que j'avais beaucoup apprécié notre entretien car il m'avait permis de constater une chose qui ne sautait pas aux yeux : bien que son comportement et sa façon de s'exprimer pussent laisser sous-entendre qu'il pouvait parfois être dérangé, il ne l'était aucunement, loin de là. En tout cas, pas à cette époque !

Magasinier chez Walker

Il m'avait parlé de son village natal, qui possédait un plan d'eau et - surtout - un camping très fréquenté par les Mayennais. Il avait évoqué le club de football et sa brève carrière d'attaquant. Il m'avait avoué son peu de goût pour l'école, qu'il quitta dès que possible pour entrer en usine, la mort de sa mère en 1980 et son arrivée à Laval, chez Walker où il travailla comme magasinier. Il m'avait aussi parlé de son goût pour les balades à vélo, la lecture des livres concernant l'histoire de France et les pays étrangers, etc. Il m'avait parlé de son gaullisme et de son adhésion au RPR, parti qui lui demanda de figurer sur la liste de François d'Aubert, un leader qu'il appréciait d'autant plus que ce dernier lui avait remis, quelques années auparavant, la médaille des donneurs de sang bénévoles...

Les années heureuses

Le 11 juin 1995 fut le plus beau jour de sa vie : Michel entra au conseil municipal. Il m'avoua être reconnaissant aux Lavallois de lui avoir apporté "cet honneur d'être un élu comme les autres au service de la collectivité". En 1998, je peux témoigner que Michel baignait dans le bonheur et qu'il honorait chacune de ses tâches municipales avec beaucoup de sérieux. Il se rendait aussi partout où le devoir l'appelait, répondait à toutes les invitations qu'il recevait de l'hôtel de ville, sa vie en était transformée... Le hic c'est que sa présentation laissait parfois à désirer, qu'il lui arrivait d'oublier de fermer sa braguette, qu'il était un peu à l'ouest comme on dit...  Je me souviens aussi de sa façon d'accéder aux places réservées aux élus dans les réunions. Ce n'était pas toujours discret et cela suscitait des réactions pas toujours clémentes.

La représentation démocratique

Je m'amusais de cela (qui n'a aucune importance, quand on y pense cinq secondes !). Mais tel n'était point l'avis de certaines personnes travaillant à l'hôtel de ville. Des personnes sympathiques, pourtant. Elles trouvaient anormal qu'"un type comme lui"  pût être conseiller municipal ! « Et pourquoi pas ? leur répondais-je. Ses propos sont frappés au coin du bon sens et, surtout - surtout ! - il est tellement content et fier d'être au conseil ! Imaginez sa vie avant où jamais personne ne le contactait ! » Rares étaient ceux qui me donnaient raison. La présence de Michel les importunait... Les gens sont méchants. A moins qu'ils ne placent trop haut la représentation démocratique...

La chute

Qu'importe ! en 2001, Michel allait commencer son calvaire, qui dura onze années et vient de prendre fin. Eh oui, cette année-là, malgré ses bons et loyaux services, il n'eut pas l'honneur de figurer sur la seconde liste d'Aubert... Recalé ! Rejeté comme une vieille chaussette ! Apprenant la nouvelle, je me suis souvenu que Michel m'avait avoué que ce qu'il préférait dans sa vie, c'était l'équipe municipale : "Une famille dans laquelle je me sens à l'aise". Et qu'il avait plaisir à retrouver chaque fois qu'il venait en mairie "pour prendre des nouvelles". Manifestement, les "sélectionneurs" de 2001 n'ont pas tenu compte de ces lignes...

Résultat : Michel ne s'en remit jamais, et les problèmes de santé commencèrent... La spirale infernale, qui s'achève au cimetière... Je le voyais souvent errer dans le quartier du Gué d'Orger et m'en voulais de ne pas l'aborder, de ne pas l'inviter à dîner. Il est vrai qu'il était devenu infréquentable : non à cause de son échec, bien sûr ! Mais à cause de l'agressivité qu'il manifestait à l'égard de l'espèce humaine... On ne pouvait plus lui parler. Des gens ont essayé de l'aider, des élus notamment. Sans succès. Le choc avait été trop violent... 

Nettoyer les pieds des pauvres

Son supplice a pris fin ces derniers jours. Gageons qu'il est désormais en bonnes mains, aux côtés de Celui qui est venu nettoyer les pieds des plus pauvres et sauver ceux qui ont gardé un coeur d'enfant. Un coeur d'enfant, Michel en possédait un. C'est pourquoi je ne suis pas triste aujourd'hui en pensant à lui. Je suis, au contraire, plein d'espoir pour la suite de sa "carrière". Maintenant, c'est à lui d'être le premier ! Avec d'autres... Là où il est, il est enfin heureux. Au moins autant qu'entre 1995 et 2001. Ce qui n'est pas peu dire.

A Dieu, Michel, et pardonne-moi de ne pas avoir été toujours à la hauteur !

PS : Si tu lis ces lignes, prie aussi pour la France. Elle en a grand besoin.

PS 2 : Ceux qui appréciaient Michel liront avec profit le très beau texte que son frère Georges a écrit sur lui et lu le jour de l'enterrement.