Le Frère Paul Lelièvre (1915-1996)

frere.paulQuiconque a fréquenté l’école de La Salle entre 1964 et 1981 a connu le Frère Paul Lelièvre  - « Popaul » ! - qui en fut pendant 17 ans le très charismatique directeur tant boulevard Félix-Grat (jusqu’en 1974, dans le bâtiment qui accueille encore aujourd’hui le siège des Francs-Archers) qu’à Saint-Nicolas, boulevard Kellermann à partir de 1968.

 

Quelle vitalité !

Bien que doté d’un physique de freluquet (« Je ne suis pas taillé pour être boxeur ! », nous disait-il souvent), « Popaul » possédait une vitalité exceptionnelle qu’il a tout entière consacrée aux établissements qu’il a dirigés et aux élèves qui s’y trouvaient. Une part était également réservée à Dieu mais c’était son jardin secret, sa Source.

Il avait, comme on dit, de l’autorité, qu’il était bon de ne point trop contrarier ni même de chatouiller timidement car il arrivait à cet éducateur de haut vol d’avoir la main leste… Eh oui, à l’époque, une bonne giroflée à cinq branches ne scandalisait guère les parents, qui en avaient eux-mêmes reçu un lot dans leur jeunesse et n’en étaient pas morts !

Bref, celui qui, pour avoir répondu vertement à un prof, lancé une bombe à eau dans les vestiaires ou perturbé durablement une classe, était convoqué dans le bureau du Frère Paul n’en menait pas large en longeant le couloir qui y conduisait, après la cantine… Même si on en sortait toujours vivant, c’était une épreuve assez redoutable…

Un pull à col roulé

Eté comme hiver, « Popaul » portait un pull à col roulé, bleu ciel le plus souvent, un pantalon de costume et des chaussures montantes. Je me souviens aussi que sa montre était dans sa poche, avec une chaîne attachée à sa ceinture… Autre détail marquant : il fumait comme un pompier, des Gauloises vertes si je me souviens bien.

Il enseignait la langue allemande, qu’il avait apprise contraint et forcé pendant ses années de stalag. Dès 1946, il oeuvra pour la réconciliation franco-allemande via des colonies de vacances qui permirent à nombre de petits Mayennais de faire connaissance avec des petites Allemandes originaires de la région d’Aix la Chapelle…

La langue de Goethe

L’ayant eu comme prof d’allemand en 3e, je me souviens de son timbre de voix et de sa manière de parler la langue de Goethe et d’Angela Merkel. Nous l’écoutions avec un intérêt de façade mais sans jamais comprendre tout à fait ce qu’il disait :  la langue allemande était trop compliquée pour nous, en grande partie à cause de ses foutues déclinaisons…

Souvent, pendant ses cours de teuton, il était amené à nous passer des 33 tours sur un vieil appareil au-dessus duquel  il se penchait longuement afin de pouvoir poser correctement le saphir sur le microsillon de la face qui, « Popaul » n’étant pas doué pour la technique, tournait dans le vide de longues secondes…

Les colonies Plein Vent

Ce Frère Paul si respecté, je l’ai surtout connu quand il dirigeait la colonie de vacances Plein Vent que j’ai fréquentée cinq étés, entre 1974 et 1978. Le matin, sous la tente, nous étions réveillés par un disque qu’un colon avait apporté et par la voix de « Popaul » qui, via la radio du camp, nous demandait de nous préparer pour rejoindre le réfectoire…

Cette voix, nous la retrouvions ensuite lors du petit-déjeuner durant lequel Frère Paul distribuait le courrier en appelant un à un les destinataires. Après, nous rejoignions nos bicyclettes pour aller dépenser l’énergie que la nature offre à cet âge. Nous revoyions "Popaul" le soir, lors des veillées auxquelles il participait en tenant l’orgue de l’orchestre.

Saint-Joseph de Cossé

Il y aurait un livre à écrire sur ce religieux exceptionnel né à Hambers en 1915, qui avait fait ses gammes de directeur à l'école Saint-Joseph de Cossé-le-Vivien pendant 13 ans. Après La Salle, qu’il quitta en 1981, à 66 ans, il vécut de nouvelles aventures éducatives dans la Sarthe où sa vitalité permit de développer un LEP industriel…

La dernière fois que je l’ai revu, c’était trois ans avant sa mort, le 7 janvier 1993 exactement mais je n’ai pu discuter ce jour-là avec lui étant très « occupé » par l’enterrement auquel j’assistais :celui de mon père foudroyé durant la nuit de la Saint-Sylvestre par une rupture d’anévrisme. Malgré son âge, Popaul avait fait le déplacement.