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Rions avec Tristan Bernard (1866-1947)

Dans ses livres, Muray explique très bien pourquoi « l’univers hyperfestif » est « aussi celui où disparaît cet abandon festif au principe de plaisir qu’était l’usage de l’humour, de la drôlerie, du mot d’esprit, du rire critique, du non-sens, des diverses formes de l’esprit de problématisation. L’univers hyperfestif est celui où toute plaisanterie se trouve plus que jamais guettée par le vautour vertueux. L’existence actuelle doit être aimée en tant que telle, et il devient même interdit de ricaner de soi ». (Après l’Histoire, janvier 1998, De l’époque qui commence).

Ces choses dites,  voici un article qui permet de rire avec Tristan Bernard (1866-1947) , alias le « philosophe du sourire » dont les mots d’esprit – contrairement aux œuvres théâtrales – n’ont pas pris une ride…

 

Le travail, ça fatigue !

Avant d’écrire pour le théâtre (une bonne centaine de pièces), Tristan Bernard fut avocat (une affaire !), lecteur de manuscrits pour un théâtre et, entre autres, directeur d’une usine d’aluminium… Des tâches trop fatigantes pour lui !

En effet, Tristan Bernard pratiqua longtemps la paresse, avec un argument en béton : « L’homme n’est pas fait pour travailler. La preuve, ça le fatigue ! » Autre justification : « Un paresseux est un homme qui ne fait pas semblant de travailler… »

Il disait aussi à sa femme de chambre : « Demain matin, j’ai un rendez-vous important, merci de me réveiller à 7 heures. Mais si à huit, je ne suis pas levé, ne me réveillez pas avant midi ! »

De l’esprit à revendre

Quoi qu’il écrivît (poésie, nouvelles, romans…), il y mettait de l’esprit. Y compris dans ses mots croisés : « en trois lettres, ne reste pas longtemps ingrat : âge ;  en cinq, moins cher quand il est droit : piano ;  en six, muet de naissance : cinéma »…

C’était aussi l’homme des anecdotes, des bons mots, des traits d’esprit qui, pendant cinquante ans, ont couru les boulevards, les salons et les coulisses de Paris…

Elle devrait faire parler son lit !

D’une dame affublée d’un très long nez : « Quand on l’embrasse sur les deux joues, on a plus court de passer par derrière. »

D’une ancienne actrice, très légère, qui faisait parler les tables : « Elle devrait faire parler son lit. Ce serait tellement plus amusant ! »

N’ajoutez pas les privations !

Un jour, un ami fait la morale à son fils  « On ne perd jamais rien à être poli mon enfant. –Si, constate Tristan, on perd sa place dans le métro… »

A quelqu’un qui lui demandait de restreindre ses dépenses : « J’ai assez d’ennuis sans y ajouter les privations ! »

Sans tambour ni trompette

Tristan, un jour, reçoit la visite d’un jeune auteur qui lui demande de lui trouver le titre de sa pièce. « Mais je ne l’ai pas lue, indique Tristan. – Pas grave, trouvez-moi un titre ! - Bon, est-ce qu’il y a des tambours dans votre pièce ?- Non ! – Et des trompettes ? – Pas davantage ! – Alors, appelez-la : Sans tambour ni trompette ! »

Sur le théâtre, il aimait à dire que « les spectateurs veulent sans doute être surpris. Mais avec ce qu’ils attendent ! » Un jour qu’il assistait à une pièce ennuyeuse, il profite d’un silence pour fuir : « Mais ce n’est pas fini ! lui souffla quelqu’un au passage. – C’est bien pour ça… »

Le « philosophe du sourire »

C’est son ami Roland Dorgelès qui le surnomma « le philosophe du sourire ». Il est vrai que Tristan Bernard était l’auteur de maximes profondes et indémodables : « Il ne faut compter que sur soi-même. Et encore pas beaucoup. »

« Il vaut mieux ne pas réfléchir du tout que de ne pas réfléchir assez. »  « Les hommes sont toujours sincères., ils changent de sincérité, voilà, tout. »

Et celle-ci, que seuls les saints n’ont point testée : « Le meilleur moyen de faire cesser la tentation, c’est d’y succomber. »

Le départ pour Drancy

Pendant l’Occupation, ses origines juives le font arrêter par la Gestapo. Ce qui occasionna sans doute son plus beau mot : « Jusqu’ici mon amie, dit-il à sa femme, nous avons vécu dans la crainte, maintenant nous allons vivre dans l’espoir ! »

Après 15 jours à Drancy, il est libéré suite aux interventions de Sacha Guitry et d’Arletty. Mais le reste de son existence fut à jamais gâchée par un drame : son petit-fils François ne revint, lui, jamais de Mathausen…

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