Les dernières années du Douanier Rousseau

rousseauEntre 1908 et 1910, les deux dernières années de sa vie, le peintre Henri Rousseau dit le Douanier va connaître des hauts et - surtout - des bas...

Pas d'adresse !

En 1908, Uhde, qui sera son premier biographe, lui organise une exposition particulière à Paris – la première et la seule du vivant d’Henri – chez un marchand de meubles de Notre-Dame-des-Champs.

Hélas il ne vient aucun visiteur !

Le talent de Rousseau n’y est pour rien ! Uhde a tout simplement oublié de mentionner l’adresse de l’expo sur le carton d’invitation !

 

Malgré ce bide, la situation du Douanier s’améliore… Il donne chez lui des soirées musicales et familiales où les parents de ses élèves croisent des artistes que l’histoire de l’art retiendra : Braque, Max Weber, Picasso…

Le Bateau-Lavoir

Picasso justement. Comme il apprécie le talent de Rousseau, il organise un banquet en son honneur, en novembre 1908, dans son atelier du Bateau-Lavoir. Cette fiesta fut contée par les hommes de lettres y ayant participé, Raynal par exemple, qui décrit ainsi l’arrivée du Douanier :

" Au milieu du tumulte, trois coups discrets retentirent à la porte, qui firent immédiatement cesser tout bruit et planer un silence complet. On ouvrit : c’était le Douanier, coiffé de son feutre mou, sa canne à la main gauche et son violon à la droite (…)"

Le violoniste

Pendant le repas, Rousseau sort son violon et joue deux de ses œuvres, Clochettes et une valse qu’il a nommée "Clémence" en hommage à sa première épouse décédée vingt ans plus tôt.

La scène est cocasse écrit F. Olivier car pendant que Rousseau jouait devant tout le monde « la cire d’une lampe lui coulait sur la tête jusqu’à former un énorme bonnet… »

Picasso et moi

Pendant ce temps Apollinaire improvise un poème en l’honneur de son ami qui, imperturbable, l’écoute assis sur le trône que lui avait préparé Picasso (une chaise placée sur une caisse, avec, au-dessus, une banderole indiquant « Honneur à Rousseau !»).

En échange Picasso reçoit à son tour un éloge : «  Nous sommes les deux plus grands peintres de l’époque : toi dans le genre égyptien, moi dans le genre moderne. »

Condamnation

Cette même année 1908, l’acheteur Vollard commence à s’intéresser à Rousseau. Hélas, le 9 janvier 1909 celui-ci est condamné pour une escroquerie commise en 1907, avec un vieux copain qui travaillait à la Banque de France et avait décidé d’arnaquer cette dernière, lui.

Rousseau écope de deux ans de prison avec sursis, de 100 francs d’amende et se fait virer de l’association Philotechnique, une œuvre laïque qui l’employait comme professeur de dessin et de peinture…

Léonie

Ces malheurs n’empêchent point Rousseau, déjà deux fois veuf, de tomber amoureux d’une veuve de 54 ans, Eugénie-Léonie V. Hélas cet amour restera à sens unique ! Dans ses lettres à l’aimée, Rousseau lui reproche sa froideur.

Extraits : « Ne me crève pas le cœur lorsque je vais pour te caresser, en étant maussade et en ne répondant pas à mes avances (…) Et pourquoi agir ainsi avec moi, puisque nous nous connaissons sur ce point (…) Il est vrai que ce n’est pas pour cela, à nos âges, que l’on se marie, mais enfin, l’un et l’autre nous n’avons pas dit notre dernier mot. »

Gangrène

Souffrant d’une plaie à la hanche, Henri est hospitalisé à Necker durant l’été 1910. Désespéré notre Roméo de 67 ans aimerait bien que celle qui refuse d’être sa Juliette vienne à son chevet. Echec, là encore…

Le 2 septembre, assisté du mouleur Queval et de sa femme, il meurt de gangrène à la jambe. Les obsèques ont lieu le 4 en présence de sept personnes seulement, parmi lesquelles Paul Signac, président de la société des artistes indépendants.

Bagneux

Il est enterré dans la fosse commune du cimetière de Bagneux. Un an plus tard, Delaunay et Queval feront transférer les restes dans une concession de trente ans, toujours à Bagneux et, sur la pierre tombale, Apollinaire écrira au crayon l’épitaphe suivante :

« Gentil Rousseau, tu nous entends/ Nous te saluons/ Delaunay sa femme, Monsieur Queval et moi/ Laisse passer nos bagages en franchise à la porte du ciel/ Nous t’apporterons des pinceaux des couleurs des toiles/ Afin que tes loisirs sacrés dans la lumière réelle/ Tu les consacres à peindre comme tu liras mon portrait/ Face aux étoiles…

Retour à Laval

Les trente ans de la concession révolus, en 1942, les restes de Rousseau furent exhumés et transportés à Laval, sa ville natale. Ils y sont toujours, dans le jardin de la Perrine.