Les niches du Vieux-Laval

nicheslavalEn 1993, l’association des Amis du Vieux-Laval a publié une plaquette évoquant avec force détails les 48 niches qui, avec ou sans statuette, embellissent les façades du centre historique de la capitale de la Mayenne.

Illustrée par Stéphane Doreau et rédigée par deux érudits locaux, Dominique Eraud et feu Jean-Pascal Lefebvre,  cette plaquette revient sur une habitude qu’avaient les Français qui construisaient leur maison sous l’Ancien Régime…

Celle de pratiquer des enfoncements dans l’épaisseur d’une paroi pour y abriter une statuette qui n’avait pas vocation à décorer la rue ni à donner du travail aux « professionnels du patrimoine ». Généralement pieuse, elle était destinée à favoriser la prière du passant. Lequel, pour le salut de son âme, devait rendre grâce à Dieu le plus souvent possible.

Eloigner le mauvais sort

Mais elle avait aussi pour dessein, cette petite statue, d’empêcher le mauvais sort, la guerre, la maladie ou l’incendie d’entrer dans la maison. Ainsi que… les voleurs qui, se trouvant subitement en présence d’une vierge ou d’un saint, pouvaient, moralement être dissuadés de commettre un larcin dans une demeure si « hautement » protégée…

Bien sûr, il arrivait aussi que « l’aire d’action » de la statuette s’étendît au-delà d’une seule maison. Il suffisait qu’elle soit placée, par exemple, sur un pan coupé à l’angle de deux rues…

La richesse du décor

Du point de vue architectural, la niche est incorporée dans la composition des façades des édifices religieux dès le XVIe siècle (portail de la cathédrale). En revanche, pour les constructions civiles (4, quai Albert Goupil), il faudra attendre le XVIIIe voire le XIXe.

Dominique Eraud insiste également sur l’importance du décor : rares sont les niches qui ne présentent aucune ornementation (comme celle du 29, place Hardy).

« Dans les exemples les plus sobres, le rebord est souligné d’une ou plusieurs moulures circulaires (2, rue de la Trinité), parfois rapporté (40, Grande Rue), ou d’une simple moulure en quart de cercle (château). »

La Vierge Marie

Reine incontestée des niches lavalloises, la Vierge Marie y est représentée treize fois alors que les autres saints n’ont droit qu’à onze statuettes. Cette différence tient au pouvoir que les catholiques reconnaissent à la mère du Christ. Laquelle « peut agir par elle-même, écrit Jean-Pascal Lefebvre, alors que les saints ne sont que de simples intermédiaires entre celui qui transmet un vœu et Dieu ».

Concernant la Sainte Mère, les auteurs rappellent que trois vierges furent installées au XVIIe siècle durant lequel le roi Louis XIII consacra la France à Marie et instaura la procession du 15 août ; et cinq autres le furent au XIXe, dans la foulée des quatre apparitions mariales à Paris, rue du Bac (1830), à La Salette (1846), Lourdes (1858) et Pontmain (1870).

Deux témoignages

Très vivaces dans les siècles passés, la piété et les croyances liées aux niches et statuettes n’ont pas totalement disparues avec la déchristianisation du pays. Et nos auteurs de livrer quelques témoignages comme celui de Pierrette Lemeunier qui, très attachée à sa vierge du quai Jehan-Fouquet, pense que sa maison, touchée par la foudre en 1952, n’a pas brûlé « un peu grâce à la statue… »

Georges Chevallier, lui, constate que, lorsqu’on a enlevé la Vierge du Gué d’Orger de sa niche, plusieurs accidents se sont produits ; par exemple, le 27 septembre 1958, jour où un camion a défoncé  la vitrine de l’épicerie. « le voisinage ému obtint son retour dans une niche toute neuve. Depuis, dit-on, il n’y a plus d’accidents…»

Malgré ces croyances, les auteurs n’ont pas trouvé dans les archives qu’ils ont dépouillé la moindre trace d’une quelconque bénédiction…

La Révolution

Les niches et statuettes lavalloises ont pu jouer un (petit) rôle dans l’histoire (parfois sanglante) des luttes entre ceux qui croient au ciel et les anticléricaux. Ainsi, après une exécution de chouans, le 18 novembre 1793, le tribunal militaire écrit, dans son rapport, les lignes suivantes : « la nuit, on a renversé de leurs niches quelques saints et saintes et particulièrement les bonnes vierges qu’on avait illuminées plus somptueusement qu’à l’ordinaire. Et l’on se promet bien d’en faire autant à toutes les autres qui sont encore en nombre. »

Autre événement daté du 28 janvier 1799 : « Ce jour-là, les paroissiens croient au miracle : une statue de l’église de la trinité brille anormalement. Mais l’administration dénonce cet « égarement » car ce phénomène résultait de la condensation. Ce détail, juge-t-elle, prouve combien les hommes ont besoin d’être conduits sur le sentier de la philosophie… »

Ah, si les niches du Vieux-Laval pouvaient parler ! D'aucunes auraient sûrement des choses passionnantes à narrer…