Léon XIII, Mgr Geay et la création de Saint-Pierre

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En 1900, l'église Saint-Pierre doit sa naissance à un évêque, Mgr Geay, et à la politique de Ralliement des catholiques à la République lancée par Léon XIII.

 

Mgr Wicart

Dans les années 1900, le département de la Mayenne fut au cœur du conflit entre l’Eglise et l’Etat. Parmi les épisodes emblématiques de ce conflit qui débouchera sur la loi de séparation de 1905, il y a la naissance – très mouvementée - de la paroisse Saint-Pierre…

Si Saint-Pierre est la fille de Mgr Geay, sa création a été projetée par les cinq prédécesseurs de l’évêque nommé à Laval en 1896 pour faire passer la pilule du ralliement des catholiques à la République (il échouera et devra quitter son poste en 1904).

Dès 1874, le premier évêque de Laval, Mgr Wicart, envisage une construction. Mais « l’opposition du curé de Saint-Vénérand est si vive » qu’il n’insiste pas… Le projet sera repris par ses quatre successeurs mais « du fait de la brièveté de leur épiscopat, de leur état de santé ou de leur manque d’énergie », il n’avancera pas…

Saint-Vénérand

Cette volonté de diviser la paroisse de Saint-Vénérand en créant une nouvelle église rive gauche répond à l’accroissement de population dans le quartier de la gare qui, entre 1851 et 1896, passe de 7 229 à 12 463 habitants… Pour ardents qu’ils soient, les fidèles du coin ont néanmoins un problème qui revient tous les dimanches : à pied, l’église Saint-Vénérand, ça fait une sacrée trotte !

L’autre raison est évoquée par l’historien Gaston Chérel dans la revue de la SAHM  2005 : « L’implantation d’une nouvelle église doit être le signe d’une présence catholique dans le nouveau quartier de la gare et de Bootz, peuplé en majorité par des ouvriers et des employés de chemin de fer parfois détachés de toute pratique religieuse. »

Notre-Dame-de-Bellecombe

En 1896, l’arrivée de Pierre-Joseph Geay comme évêque de Laval laisse augurer une avancée dans ce domaine. Le nouvel évêque a du caractère, de l’énergie et, en plus, l’expérience ! Quand il était le curé d’une grosse paroisse de Lyon – celle du Sacré-Cœur (13 000 âmes) – il sut la diviser pour en créer une seconde, Notre-Dame-de-Bellecombe.

Mais pour réitérer son exploit lyonnais à Laval, l’évêque devra surmonter plusieurs obstacles : « le coût de la construction d’une église, les réticences probables de Saint-Vénérand, les contraintes administratives imposées par le concordat de 1801… »

Ernest Renan

Le dernier obstacle, le principal, c’est « l’opposition farouche émanant de l’institution libre de l’Immaculée Conception » située dans le quartier et dirigée par le très influent Père Hamelin…

Nommé directeur de l’Immaculée en 1879, cette forte personnalité a su faire de « l’Immac » la plus brillante institution du département. Mais aussi le fief des familles – innombrables en 1900 en Mayenne  – qui pensent comme l’agnostique Renan que « le jour où la France coupa la tête à son roi, elle commit un suicide ».

Les gouvernements maçonniques

Pour ces « cathos de droite », la démocratie – « oppression des moins nombreux par les plus nombreux, de la qualité par la quantité » Le Pan de Ligny) -  est le pire des régimes politiques contrairement à ce que pense Mgr Geay.

En chaire, tous les dimanches, le Père Hamelin ne cesse d’en dénoncer les dangers et de souligner la nocivité des gouvernements de la Troisième République maçonnique qui a fait de l’anticléricalisme son cheval de bataille… Il le fait avec d’autant plus de succès que ses talents d’orateur sont exceptionnels et que… la petite chapelle de l’Immaculée est ouverte au public…

La chapelle de l’Immaculée

Bref, c’est peu dire que les choses ne s’annoncent pas au mieux entre Mgr Geay et son « concurrent » de l’Immaculée et ce d’autant que le Père Hamelin, à l’étroit dans sa petite chapelle édifiée en 1876, veut construire une véritable église…

Pour l’évêque de Laval pareille construction est une provocation qui, réussie, condamnerait l’église qu’il veut créer près de la gare. Il lui faut agir, et vite…

Don Camillo

Entre 1897 et le 10 avril 1900,  Laval va devenir le théâtre d’un affrontement entre les deux ecclésiastiques précités : une sorte de Don Camillo inédit et moins chaleureux que ceux qui, au cinéma, voyaient Peppone affronter Fernandel : Don Geaytino contre Don Hamelino !

Au grand dam des monarchistes de la Mayenne, Mgr Geay sortira grand gagnant de ce match arbitré par le pape Léon XIII en personne : non seulement la nouvelle église Saint-Pierre sera édifiée mais les chapelles des écoles seront fermées au public…

Enfin, last but not least, fin 1900 le Père Hamelin sera exilé en Bretagne – dans sa congrégation de Pontivy - où il mourra de chagrin deux ans plus tard…

Autant d’épisodes narrés dans cet article.