C'était Laval

albert.goupil

Quand j'ai créé la rubrique  C'était Laval en 1995, le passé avait déjà mauvaise presse en France depuis au moins trois ans, depuis que nos compatriotes avaient décidé d'entrer dans l'Europe de Maastricht, en 1992. Pour Philippe Muray, la France cette année-là, s'était donnée le coup de grâce, en toute liberté". Malgré cela, j'ai choisi de faire comme si de rien n'était, comme si le passé pouvait encore avoir de l'importance...

Pour faire comprendre mon attachement à la France et au passé, permettez-moi, une fois de plus, de citer ce cher Muray, qui évoque notre pays dans Exorcismes Spirituels III d'une manière qui me semble tout à fait juste :

"Si ce pays avait le moindre intérêt, du temps qu'il ne s'était pas encore suicidé aux applaudissements émus de la planète, c'était parce qu'il était depuis des siècles, et sous l'unité monarchique ou jacobine de façade, le lieu exceptionnel d'un conflit multiple, insoluble, terrible et délicieux comme la vie elle-même, comme la division infernale et magnifique des sexes qui se répercutait dans tous les domaines de l'existence quotidienne ; du conflit que l'on peut ramener, pour aller très vite, à la lutte perpétuelle des Lumières et du catholicisme. La France de Voltaire et de Bossuet, la France de Pascal et de Rabelais, de Diderot et de Bloy, de Molière et de Maistre, d'Aragon et de Claudel, de Proust et de Céline, aura été ce théâtre unique d'une désunion incessante, ou d'une cohabitation tenace et intenable, dont la dialectique sans arrêt renouvelée aura aussi imprimée sa marque dans les vies individuelles."

Après, Philippe Muray parle de "la conversion de la France aux valeurs du Nord, c'est-à-dire à la rationalité protestante et marchande, par définition incompatible avec les attitudes interrogatives ou critiques, avec la duplicité, la contradiction, le flou, la diversité, les faux-semblants et toute la comédie irresponsable des malentendus jamais résolus. Il n'y a pas d'autre Europe possible que l'Europe du Nord. Bernanos, bien avant la dernière guerre, avait qualifié l'entreprise hitlérienne de "seconde Réforme allemande". La troisième, porteuse de messages hygiéniques autant qu'incritiquables, triomphe en douceur et rien ne l'arrêtera. Le terrible ordre européen ne pouvait se faire qu'au prix de l'effacement de la "latinité" et par la victoire des impératifs archangéliques d'authenticité, de vertu, de positivité et de transparence que la civilisation luthérienne contient en elle et que répercutent désormais à jet continu les sacro-saintes recommandations de Bruxelles."

En conclusion, il n'y a plus de France !