L'histoire générale de la chouannerie

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Grâce au talent d'une Lavalloise, l'écrivain Anne Bernet, il existe enfin un ouvrage de référence qui préserve de l'insulte tous les rebelles de l'Ouest de la France ayant mérité le surnom de chouan.

Guerre de buissons

Contrairement à la guerre de Vendée, qui présente une certaine unité et connaît une durée courte et précise (mars 1793-mars 1796), la chouannerie est une « mosaïque d’insurrections peu coordonnées » discontinue dans le temps (1793-1804) et l’espace (10 départements de l’Ouest).

« C’est une guerre de coups de main, de buissons, écrit Anne Bernet, une guerre de chemins creux et d’embuscades nocturnes qui se déroula avec la complicité d’une population qui, si elle n’avait pas massivement pris les armes, n’en sympathisait pas moins avec les rebelles. »

 

C’est pourquoi s’il y a des ouvrages généraux sur la Vendée, mais aussi sur telle chouannerie (mainiote, normande, bretonne) et sur telle grande figure (La Rouërie, Talmont, Cadoudal, Guillemot…), il n’y avait pas d’histoire générale englobant en un seul volume toutes ces chouanneries qui donnèrent du fil à retordre à la Convention, au Directoire et au Consulat.

 

Anne Bernet

 

Depuis 2000, réjouissons-nous ! Cette Histoire générale de la Chouannerie existe enfin,  et c’est une Lavalloise qui l’a écrite, à quelques kilomètres du pays de Jean Cottereau (Saint-Berthevin), la très talentueuse et très cultivée Anne Bernet.

 

Critique littéraire à L’Action française, historienne, romancière (Mémoire de Ponce Pilate), cet écrivain prolifique, Prix Saint-Louis 1999 pour l’ensemble de son œuvre, était tout désigné pour combler cette lacune déjà dénoncée en 1851 par son cher Barbey d’Aurevilly : contrairement aux Vendéens, « les Chouans n’ont rien qui les tire de l’obscurité et les préserve de l’insulte. »

 

Trois provinces

 

Anne Bernet était toute désignée car elle compte plusieurs ancêtres qui ont « chouanné » aux côtés de Cottereau et qu’elle étudie la chouannerie depuis les années 70 du siècle dernier. Toute désignée aussi car cette historienne « politiquement incorrecte » sait que, « pour complexes et diverses que furent les raisons qui dressèrent ces trois provinces contre le pouvoir révolutionnaire, aucune n’était honteuse ou injustifiable.

Bien au contraire ! »

 

« Malgré cela, indique-t-elle, l’Ouest Chouan n’a droit qu’à la méconnaissance, à des morceaux d’histoire ou à des travestissements romanesques ! » Résultat : l’histoire chouanne demeure (presque) totalement méconnue !

 

La police de Fouché

 

Anne Bernet aime à citer ces paroles d’une Vendéenne récemment installée à Laval, c’est-à-dire dans le berceau militaire de la chouannerie, qui s’étonnait un jour de voir indiquer à un carrefour « A deux kilomètres, maison de Jean Chouan » : « Il y a donc eu des Chouans en Mayenne ! Je l’ignorais ! »

 

Cette méconnaissance est liée au fait que la Chouannerie demeure souillée par « des idées reçues, fruits d’une propagande magistralement menée par la police de Fouché, qui ont fait du mot chouan un synonyme de terroriste et de brigand ». Un synonyme qui continue de faire honte à un grand nombre de Mayennais d’aujourd’hui, qui refusent encore catégoriquement qu’on fasse allusion à leurs ancêtres chouans !

 

Récit haut en couleur

 

Ces choses précisées, on mesure la difficulté (« Les documents officiels émanent des hommes qui combattirent les Chouans ! ») et l’originalité (« Aucun historien n’a osé relevé le défi ! ») de l’entreprise qu’Anne Bernet a menée à la fin du siècle dernier.

 

Son Histoire générale de la Chouannerie nous offre un récit haut en couleur, tragique, romanesque et cocasse. Il ressuscite, dans sa diversité, un peuple de paysans, de faux sauniers, de marins pêcheurs, d’artisans et de nobles.

 

Mourir pour la liberté

 

Leur combat à tous, religieux et politique, constitue de 1792 (conjuration du marquis de la Rouërie) à 1804 (décapitation de Cadoudal), le plus long et le plus captivant chapitre de la Contre-révolution.

 

Avec des rebelles hors du commun qui « proclament à la face du monde, que l’homme est libre. Libre de vivre comme il l’entend chez lui, libre de prier comme il le veut », et que cette liberté vaut de mourir pour la sauvegarder ».