Le docteur Le Coz et les accouchements à la maison

le.cozEntre 1956 et 1989, le docteur Le Coz participe activement à la mise au monde de 19 000 bambinos en Mayenne. Au début de sa carrière, il pratique de nombreux accouchements au domicile des futurs parents. Mais un drame le conduira à arrêter... 

La coutume

 

Par tradition, les gens voulaient que la naissance ait lieu dans la chambre où les autres membres de la famille avaient vu le jour. Autre raison : la clinique était trop chère pour celles qui n'avaient pas d'assurances sociales. "C'était le cas de beaucoup d'agricultrices !", explique le docteur.

 

En cas de pépin...

 

À l'époque, les médecins de famille accouchaient régulièrement leurs patientes, mais, en cas de pépin, certaines appelaient l'obstétricien. Il y avait plusieurs cas possibles : une dystocie à résoudre avec application du forceps, une déchirure périnéale importante ou encore un syndrome hémorragique.

 

 

Précision du docteur Le Coz : "Comme, à l'époque, les patientes ne connaissaient pas leur groupe sanguin ni leur facteur rhésus, j'emportais avec moi du sang O négatif que je prenais au centre de transfusion..."

 

Un rituel d'un autre âge

 

Ces accouchements donnaient lieu à un rituel aujourd'hui d'un autre âge... Une fois appelé, le docteur Le Coz fixait sa table obstétricale sur la galerie de sa 4CV et prenait la grande valise en bois qui contenait le matériel nécessaire, y compris l'appareil d'anesthésie et le petit obus à oxygène...

 

 

S'égrenaient alors souvent des heures d'attente... Quand elles étaient trop longues, la famille invitait le docteur à s'allonger un peu. Pendant ce temps, elle préparait le nécessaire et, en particulier, le récipient d'eau chaude pour la toilette de la maman et du nouveau-né.

 

Les phares de la 4CV

 

Parfois, dans les fermes, il n'y avait pas d'électricité. Or, une anesthésie n'était pas possible à proximité du feu de la cheminée ou d'une lampe à pétrole. Il fallait alors utiliser des piles électriques ou les phares de la 4CV à travers la porte ouverte de la ferme !

 

Régulièrement, le docteur Le Coz se faisait aider par son épouse, Monique : "Je lui confiais éventuellement le maintien d'une anesthésie que j'avais commencée ; à sa grande inquiétude, car sa licence en droit ne lui assurait aucune compétence médicale..."

 

Une autre personne les accompagnait parfois : la mère de "l'assistante en chef", la belle-mère du docteur, Mme Rabin, laquelle raffolait de ce genre de mission ! "Son passé d'enseignante ne lui laissait aucun complexe pour me seconder", se souvient son gendre.

 

Confiance totale

 

Après l'accouchement, le docteur restait surveiller la parturiente et partageait un peu de la joie familiale. "Tout cela se déroulait dans une atmosphère de confiance totale partagée", se souvient le docteur.

 

Peut-on imaginer pareille attitude en 2009 ? "Non, affirme le docteur Le Coz. Même sans ennuis particuliers, je serais immédiatement traîné devant les juges !"

 

Trois drames

 

De sa vie d'accoucheur, Ange Le Coz garde une multitude de bons souvenirs. Hélas, il y eut aussi des moments terribles... "J'ai perdu trois femmes en couches et plusieurs enfants n'ont pas eu la chance de vivre..."

 

C'est d'ailleurs à la suite d'un de ces décès que notre docteur a refusé de poursuivre les accouchements à domicile. "Ce jour-là, l'oxygène est venu à manquer,se souvient-il. Et le temps que le père aille chercher un autre obus à l'hôpital, le drame était survenu..."

 

Belle vie

 

Néanmoins, le sentiment qui prévaut chez ce "vieux" retraité (il a fêté sa "quille" en 1989), c'est celui d'une vie exaltante, bien remplie. "La passion de mon métier embellissait toute ma vie. De plus, nous avions, à l'époque, l'assurance d'une confiance certaines des patientes et de l'entourage...C'était un autre temps,poursuit-il. Et que de chemin parcouru depuis !"

 

Aimerait-il recommencer aujourd'hui ? "Non", dit-il, car il ne se reconnaîtrait plus"dans l'obstétrique actuelleavec ses déclenchements d'accouchement, ses péridurales presque systématiques, ses interventions abusives et inconsidérées et... que sais-je encore ?"

 

Et de conclure : "Mais ceci est une autre histoire !"