Noël 1947 à Laval : Venez Divin Messie !

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En décembre 1947, le mois de Noël, trois bonnes nouvelles viennent de la Préfecture; elles concernent une partie du corps sacrée entre toutes: le ventre des Lavallois qui, souvent, crie famine...

1) «La fabrication et la vente de la pâtisserie à base de farines non panifiables sont autorisées pour la période allant du 19 décembre au 12 janvier» ; 2) « les pâtisseries pourront ouvrir les mercredis 24 et 31 décembre et 1er janvier 1948 » 3) « Un contingent de pâtes alimentaires est attendu dans le département.»

 

La fête religieuse

Dans nombre de ses essais, l’écrivain russe Soljenitsyne dénonce avec force le progrès de la conscience humaine antireligieuse, «une catastrophe qui mine nos sociétés.» Fin 1947, pareille accusation n’aurait eu aucun sens: Noël demeure LA grande fête religieuse qui «touche» et rassemble la majeure partie de la population lavalloise.

Il est vrai que le programme musical est soigné! A la Cathédrale, on joue, pour la première fois, la Messe Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus du chanoine A. Fauchard. A Saint-Vénérand, la «chorale paroissiale mixte» exécute la Messe à trois voix de Cesare Dabici.

Le Minuit Chrétien, qui fête son centenaire, est, lui, interprété par Jules Fournier, basse. Les Cordeliers (Venez Divin Messie…) et Saint-Martin (lieu de culte catholique aujourd’hui désaffecté) ne sont pas en reste… La foule sera au rendez-vous…

Arbres de Noël

Les arbres de Noël sont nombreux! L’un des plus importants, celui des Déportés de la Résistance, permet à 63 enfants, dont 33 orphelins, de déguster des gâteaux en écoutant de la musique grâce à des disques aimablement prêtés !

Dans la salle des fêtes du palais de l’Industrie, 56 petits orphelins assistent à un spectacle avec acrobaties, danses, chants et sketches de l’Etoile féminine. Parmi les autres arbres fort prisés: ceux de l’EDF, du service social des Armées, de l’école maternelle Saint-Vénérand…

Confiture et margarine

Autre temps fort de la solidarité de l’époque: la remise des colis de Noël au centre d’accueil des Vieillards, place de la Préfecture, par le Centre d’entr’aide aux nécessiteux. Lesquels reçoivent chacun un colis « contenant ½ volaille ou 1 lapin, de la margarine, de la confiture, du fromage et des biscuits.»

Le président du parrainage, M. Rapilly, termine son allocution sous les applaudissements: «Nous n’avons aucun espoir de récompense que celui du devoir accompli».

Une bonne nouvelle pour tous ceux qui vivent sans chauffage: le jour de Noël fut le plus chaud de décembre ! De quoi faire passer le père Noël comme un homme venant du Pôle Nord !

Société de consommation

Si la société de consommation que nous connaissons n’existe pas encore, les magasins se sont quand même mis en frais. Ouest-France indique que certains ont pu «exposer de véritables merveilles d’art et d’ingéniosité ». Et de citer «une église de saindoux dans une charcuterie » et des «poulets en gelée que l’on eût pu croire en vie ».

Noël oblige, la préfecture autorise les commerçants à utiliser l’énergie électrique «l’après-midi des mercredis 24 et 31 décembre 47 et les journées des 25/12/47 et 01/01/48 pour l’éclairage électrique des vitrines et celui des motifs et enseignes lumineux de quelque nature qu’ils soient ».

L’éclairage public

Néanmoins, ces motifs et enseignes ne sont pas suffisants pour tout le monde! Dans Ouest-France (24/25-12), un journaliste évoque les dangers de la circulation nocturne à Laval. A cause de la modicité de l’éclairage public, justement.

Certes, « en cette période catastrophique où toutes les administrations sont tenues aux plus sévères économies », le journaliste ne « réclame pas le rétablissement de la situation d’avant-guerre ». Mais il demande aux Lavallois de ne pas laisser leur poubelle dehors la veille du ramassage municipal : elles constituent de très dangereux obstacles pour tous ceux qui se déplacent dans des rues sans éclairage…

Cependant la nouvelle la plus triste concerne les petits Lavallois: les vagues de grève qui se sont succédé leur auront empêché d’avoir, le 24 au soir ou le 25 décembre au matin, au pied du sapin familial, le plus beau des cadeaux de l’époque : une orange de Noël…