La construction de Saint-Pierre à Laval

Leon13

La création de l'église Saint-Pierre de Laval s'est effectuée dans un climat détestable entre des catholiques très divisés à l'égard de la République...

 

Le Père Hamelin

A Laval, la naissance de Saint-Pierre a duré trois ans pendant lesquels son initiateur, Mgr Geay, dut ferrailler contre le Révérend Père Hamelin qui agrandissait la chapelle de l’Immaculée, établissement situé lui aussi dans le quartier de la gare… Retour sur quelques faits qui eurent lieu dans un climat détestable entre catholiques…

En 1897, alors que Mgr Geay peine à trouver un lieu et un financement pour son projet de construction d’église dans le quartier de la Gare, le patron de l’Immaculée Conception, lui, avance à grands pas…

Normal : ce prêtre dont l’influence est inversement proportionnelle à son désir de rallier la République dispose d’un terrain et, comme l’écrit Gaston Chérel dans la livraison 2005 de la revue de la SAHM,  « sait pouvoir compter sur les dons de familles riches »…

Résultat :  le 7 juin, pour bénir la première pierre de la nouvelle chapelle de l’Immaculée, il reçoit Mgr Geay qui, dans son discours, le félicite de ne pas construire « une église de quartier ».

La société Saint-Pierre de Laval

Début 1898, Mgr Geay a le sourire : l’organisme chargé d’acheter le terrain pour la nouvelle église est créé : c’est la Société Saint-Pierre de Laval ! La surface concerne deux terrains – un 10 bis, rue de l’Alma ; l’autre 38, rue Magenta – et une maison d’habitation, 40, rue de Magenta.

Pour la construction, l’évêque fait appel à un architecte d’origine anglaise, Eugène Hawke, une référence en la matière, et à l’entrepreneur Brisart. Incroyable mais vrai : ce tandem construit aussi la nouvelle chapelle de l’Immac !

Une église paroissiale

Lors de la bénédiction de la première pierre de Saint-Pierre, le 29 juin 1898, Mgr Geay rappelle qu’il s’agit bien d’une église paroissiale où « tous les habitants de cet immense quartier viendront prier et rendre hommage au créateur… »

Si l’évêque a choisi d’en remettre une couche, c’est parce que, sur le chantier d’à côté, celui de l’Immac, « les ouvriers mettent la dernière main au clocher de la chapelle surmontée depuis quelques jours de la croix si longtemps attendue… »

La croix de Saint-Pierre, elle, arrivera le 9 octobre. L’évêque est aux anges, qui voit les couleurs françaises et pontificales flotter au sommet de l’édifice…

Chapelles fermées !

Ce même mois d’octobre,  Mgr Geay a réussi à faire fermer les chapelles des écoles au public ! Cet ordre est venu du Vatican où lui et le Père Hamelin durent s’expliquer devant Léon XIII !

L’objectif était d’éradiquer l’influence contre-révolutionnaire du directeur de l’Immac et d’obliger les fidèles de la Gare à prier dans la chapelle provisoire de Saint-Pierre ouverte le 20 novembre 1898 dans un ancien hangar..

Cette ouverture a été vécue comme une déclaration de guerre par les fidèles ! « Choqués par la fin brutale d’une ancienne coutume », ils voulaient rester libres de fréquenter l’église où leurs enfants sont scolarisés…

10 avril 1900

Deux ans plus tard, le 10 avril 1900, grâce aux efforts des corps de métiers concernés, l’église (à moitié achevée) sera bénie devant près de 500 curieux. Succès ? Non car l’évêque a reçu une pétition contre Saint-Pierre signée par 2 084 paroissiens de Saint-Vénérand…

Pour satisfait qu’il soit, Mgr Geay dit compatir à la peine de tous : « à celle de l’archiprêtre de Saint-Vénérand, à qui l’autorité ecclésiastique arrache une partie de sa famille spirituelle ; à celles de ceux qui regrettent leur vieille église, dont on les détache. » Et de conclure : « Mais il le fallait pour le bien de ce quartier d’avenir, le plus populeux, et spirituellement, le plus délaissé de la ville… »

Waldeck-Rousseau

Bien sûr, du côté des partisans du Père Hamelin, les dents grincent… d’autant que, dans son discours, l’évêque a remercié le gouvernement Waldeck-Rousseau… Ce qui ne lasse pas d’étonner – et jusque chez certains républicains – quand on sait que ce même Gouvernement a adressé une lettre aux évêques de France pour leur  demander de faire « cesser des missions et prédications extraordinaires, qui ne peuvent que porter atteinte à l’organisation paroissiale, quand elles ne sont pas une cause de l’ordre public » !

Six jours après la bénédiction de Saint-Pierre, un premier curé s’y installe, l’abbé Brodin, l’ancien vicaire de Saint-Vénérand. « A partir du lendemain, mardi de Pâques, écrit Gaston Chérel, les habitants se trouvant dans les limites territoriales du décret présidentiel doivent s’adresser à lui pour tous les baptêmes, mariages, sépultures et tous les autres actes de la vie paroissiale. »

La paroisse Saint-Pierre est née, qui existe toujours un siècle plus tard…