Un charpentier qui a marqué Laval, Paul Gruau père (1905-1985)

Paul Gruau (père) a marqué l'histoire de Laval en général et celle du comité des fêtes du Gué d'Orger en particulier (36 ans de présidence !). Il a aussi fortement influencé les idées politiques de votre serviteur (à droite sur cette photo de 1970)...

D'accord sur tout depuis toujours...

[...] L'histoire de France ne m'aurait jamais intéressé autant si je n'avais, dans ma jeunesse, côtoyé plusieurs fois par semaine mon cher grand-père Paul Gruau décédé dans sa quatre-vingtième année d'une embolie, le 8 juillet 1985, à l'hôpital de Laval, où il était en examen suite à des problèmes d'œdème pulmonaire.

Il devait en sortir le lendemain, libération qu'il évoqua, tout guilleret, devant ses visiteurs du jour, ma mère et son neveu (et filleul) l'abbé Jean-Paul Gruau, juste après avoir commenté, pour la énième fois, le grand fait divers du moment, l'Affaire Grégory…

"Marie-Paule, vous m'apporterez une chemise blanche et mon blazer bleu marine ; je suis arrivé avec un peignoir mais je repartirai habillé !" Telle fut la dernière demande qu'il formula à sa belle-fille, qui précéda de quelques secondes une fanfaronnade lancée en direction de son voisin de chambre : "Je vous avais bien dit que je ne resterais pas plus de huit jours ici !"

Il tint parole car, soudain, son regard se figea, et papi rejoignit son jeune frère Arsène (le 3e à porter ce prénom dans la famille) et ses chers aïeux qu'il aimait tant vanter devant son petit-fils préféré, l'aîné des trois rejetons de son fils unique Paul Gruau (1938-1993) : votre serviteur, bibi !

Ah, c'est peu dire que nous étions proches et complices ; parce que c'était lui parce que c'était moi ... Ah, ce plaisir inépuisable que nous prenions à deviser ensemble  – comme deux amis, deux "vieux potes" - d'histoire et de politique françaises, en surfant sur l'actualité.

Un slogan résume nos échanges : D'accord sur tout depuis toujours.

Le mercredi matin, ce retraité du bâtiment débarquait chez mes parents rue Crossardière et montait illico me réveiller dans ma chambre, en me chatouillant les dessous de pieds :"Allez, debout, espèce de fainéant ! D'mon temps, on était déjà au travail à cette heure là !"

Puis il redescendait à la cuisine où je le rejoignais pour commenter avec lui les sujets politiques du jour.

Et c'était parti pour une séance de chamboule tout ! Et pan sur tel coco ! tel socialo ! tel centriste ! tel franc-maçon ! tel progressiste !

Vous l'avez compris : papi penchait du côté droit, celui de la vraie droite, celle des clochers et de la France provinciale, celle de l'initiative privée sous pavillon bleu-blanc-rouge, une droite longtemps étiquetée C.N.I.P. (Centre National des Indépendants et Paysans). La droite qui avait pour Antoine Pinay les yeux de Chimène.

Plus tard, quand j'étais étudiant à Paris et qu'une émission politique s'achevait à la télévision (qu'il m'avait offerte), je savais que le générique de fin à peine lancé, dring !

"Alors, comment l'as-tu trouvé ?" me demandait-il d'emblée en parlant de l'invité-vedette.

Depuis 1983, nous parlions beaucoup de "Jean-Marie" qui, grâce à son verbe, commençait à décoller… Cette ascension qui inquiétait tant nos "élites" réjouissait mon grand-père. "C'est lui, Le Pen, qu'il nous faudrait à L'Elysée, car il est le seul à dire la vérité aux Français !"  

Les idées de mon grand-père étaient les miennes, et réciproquement. [...]

Et que dire de notre admiration mutuelle !

Papi était si fier de bibi qu'il osa un jour me vanter auprès de la veuve de l'ancien ministre "caméléon" Robert Buron, la très riche, très bourgeoise et très controversée "Marie-Louise"  : "Je vous assure, Madame, que mon petit-fils pourrait vous en apprendre !" C'était peu de temps avant son décès (j'y reviens), qui survint quand j'étais en 3e année à l'IEP de Paris, la seule que j'aie jamais redoublée, en partie à cause de cette disparition. Il n'était plus là pour me motiver politiquement, me donner envie de pouvoir, avec plus ou moins d'éclat, jouer un rôle dans le redressement de notre "cher et vieux pays".

S'il avait vécu, j'aurais essayé de conquérir une fonction "importante" (député de la Mayenne, maire de Laval...), histoire de lui faire plaisir... Car, contrairement à moi, il était sensible à la respectabilité sociale, aux titres et fonctions, aux médailles que l'on porte à la boutonnière de son veston...

Charlotte

Comme ses deux frères, mon grand-père usa ses fonds de culotte sur les bancs de l'école publique de Maisoncelles puis, jusqu'à l'âge de 12 ans, au collège Saint-Joseph de Meslay-du-Maine. Ensuite il fit... comme les copains : il travailla de ses mains avec son père (Arsène 2).

Si son père avait eu de l'argent il aurait poursuivi sa scolarité jusqu'au bachot car il était doué et - qui sait ? - fait des études supérieures. Il en avait les capacités, tous ceux qui l'ont écouté parler peuvent en témoigner...

Il a donc "choisi" de travailler le bois...

Et de créer, pendant les Trente Glorieuses, une entreprise de bâtiment qui compta jusqu'à 220 salariés au début des années 70.

Pour connaître la vie d'un menuisier-charpentier dans les années 20 du siècle dernier, il suffit de se reporter aux nombreuses lettres que le jeune Paul Gruau écrivait chaque soir à sa fiancée Charlotte Sauvage, qui habitait la ferme du Chêne à Louverné…

Certes, mon grand-père y parle d'amour et d'une foule de détails auxquels on prête attention fiancé – et qu'une fois marié on a tendance à oublier avec les années – mais il parle aussi de son travail, qui fut la grande passion de sa vie. Il suffit de parcourir deux lettres pour apprendre que, chez Arsène (2) Gruau, les journées commencent tôt le matin et s'achèvent tard le soir...

21 septembre 1928Je suis parti ce matin avec papa voir un client à Saint-Denis-du-Maine auquel nous avons presque vendu un grand hangar dans le genre de celui de l'exposition… Nous sommes rentrés à deux heures, poursuit-il, nous avons eu une crevaison en revenant et je vous assure que l'appétit était ouvert. Aussitôt quitte, je suis parti monter une poutre en fer dans un chantier et je viens de rentrer. Pour finir ma journée j'ai encore un devis à faire mais il faudra attendre demain, car ce soir il faut que j'aille au patronage répéter la pièce. Comme vous le voyez il y a longtemps que vous dormirez que je serai encore en train de faire le pierrot avec ma pièce à la main…

Ces pièces l'occupent beaucoup : il va les voir et, parfois, fait l'acteur. Un jour il se réjouit d'être enrhumé car il doit jouer le soir-même un rôle d'enrhumé ! Dans ses lettres, il tente de convaincre sa fiancée à prendre des cours de danse avec lui et son frère Marius [le futur fondateur de la carrosserie éponyme]. Echec : ces cours ont une réputation "sulfureuse"...

Ses futurs beaux-parents étant agriculteurs, Paul Gruau s'intéresse aussi de près à leur travail :  Dites-moi vite quels jours vous battez et j'en profiterai. Je serai curieux de voir tout ce monde-là en pleine action…

Paul Gruau et Charlotte se marieront le 8 octobre 1929, quelques jours avant l'effondrement de la bourse de Wall Street (le fameux krach) et six mois après le mariage de Marius avec Angèle Le Godais.

Le déjeuner fut très copieux comme en témoigne un menu qui a survécu : consommé aux perles, galantine de volaille truffée, langue de bœuf braisée, gigot d'agneau rôti avec des flageolets puis, avant le marignan au kirch, les fruits et les gâteaux variés, quelques feuilles de salade de saison…

Quelques heures après ce festin, les tourtereaux et leurs invités se remirent à table et avalèrent de bon cœur un consommé de volaille Crécy, des ris de veau en croustade, des poulets béarnaise, des langoustes en Bellevue à la parisienne, de la dinde truffée avec des petits pois à la française, de la salade puis, comme dessert, de la croûte aux fruits, des petits fours variés et une corbeille de fruits….

A l'époque, personne n'aurait osé se plaindre d'avoir trop mangé…

Aujourd'hui, une adolescente sur deux suit un régime amaigrissant…

Les voyages à Lourdes

[...] En 1958, mon grand-père fit une "petite" attaque de paralysie qui le cloua au lit quelques semaines durant lesquelles il fit le vœu d'aller tous les ans à Lourdes si la Vierge Marie lui rendait la mobilité de ses membres…

Redevenu valide (miracle ?), il tint ses engagements jusqu'en 1985 et, deux fois de suite, m'emmena avec lui pendant les vacances de Pâques. Nous logions au Grand Hôtel de la Grotte, un établissement prestigieux – avec moult étoiles anciennes normes, du marbre et des boiseries dans l'entrée – et où Papi avait ses habitudes…

Pendant le voyage, je tenais un petit carnet de bord dans lequel je notais le nom de toutes les communes que nous traversions.

Tout en conduisant sa Mercedes, Papi, lui, me livrait des commentaires personnels sur la géographie et l'histoire de ces endroits. Il me disait qui était le maire de telle ville, évoquait son étiquette politique, ce qu'il en pensait... J'écoutais religieusement. Et tentais de donner les bonnes réponses à ses questions relatives aux départements figurant sur les numéros minéralogiques des voitures roulant devant nous....

Je confesse n'avoir jamais trouvé le temps long dans la Mercedes qui, vert bouteille (la première) ou beige (celle d'après), dégageait toute l'année une odeur de cuir et de tabac. Car bien sûr Papi fumait dans sa voiture (qui aurait pu l'en empêcher ?) mais ce n'étaient ni des Gitanes, ni des Gauloises ni des Boyards ni aucune autre marque connue. Non, il fumait – et exclusivement - des Fontenoys filtre dont la boîte, en carton, était de couleur marron et le tabac, entre le brun et le blond.

Ces clopes ont disparu du marché...

Le midi, pendant le voyage, on s'arrêtait déjeuner dans un restaurant de qualité. Entrée, plat, dessert. Parmi mes souvenirs de table, ceux liés à l'enseigne de la chaîne Frantel de Macon gardent une saveur particulière car, dans le menu, on pouvait, en entrée, y choisir - une première ! - le "buffet à volonté". Lequel m'offrait à satiété tout ce dont je raffolais : champignons à la grecque, cœurs de palmiers, œufs mayonnaise, choux rouge, saucisson sec... En clair, j'étais au paradis et me resservais trois ou quatre fois sans aucune vergogne…[...]

Mes grands–parents faisant chambre à part à Laval, il n'y avait aucune raison que les choses changeassent à Lourdes ! Je partageais donc la chambre de mon grand-père et le soir, avant de souffler la bougie, nous jouions aux dames sur un petit jeu en plastique que j'avais emporté dans ma valise. Puis chacun se mettait à lire ; papi la presse et moi des ouvrages de la Bibliothèque verte, les aventures du collégien anglais Bennet le plus souvent. Une minute après que la lumière fut éteinte, Papi ronflait suffisamment fort pour que je comprenne pourquoi la grand-mère voulait - et absolument ! - dormir seule...

[...] Souvenir du premier voyage à Lourdes : à confesse dans une petite salle bien éclairée (j'aurais préféré l'obscurité du confessionnal plus propice à l'examen de conscience). Papi y passe également et n'y reste que quelques minutes ; Mami, elle, prend racine : vingt minutes au moins... A son retour, Papi la taquine : "Tu en avais des choses à dire…" C'était en effet surprenant vu que ma grand-mère passait le plus clair de son temps dans son fauteuil, qui n'était point roulant...

Lors du premier séjour, Papi nous emmène visiter les grottes de Betharram. Je me souviens que nous empruntons d'abord un téléphérique puis le bateau. Un midi, nous étions allés déjeuner à Tarbes, ville natale du Maréchal Foch qu'une statue représente au cœur de la ville. Papi m'avait parlé de la guerre de 14-18 et des grands maréchaux qui avaient donné le meilleur d'eux-mêmes. Evidemment, il me vante l'excellent travail du maréchal Pétain à Verdun, qui n'est pas encore détesté à cette époque, beaucoup de Français ayant connu 39-45 sont toujours en vie, on ne peut pas raconter n'importe quel bobard la concernant, ni n'importe quel fait de Résistance comme c'est le cas depuis vingt ans… [...]

Il pouvait rouler à 30 km/heure !

Mon grand-père était quelqu'un de calme, de "très zen", dirait-on en 2017 ; toujours très maître de lui ; il était rare en effet qu'il sortît de ses gonds. Il l'a fait néanmoins trois ou quatre fois avec ses chenapans de petits-fils. Je me souviens de mes frangins prenant un savon on ne peut plus justifié car ils venaient de détruire tous les hortensias de son jardin ! Je le revois aussi essayant de frapper l'un d'eux dans le grand lit de la "chambre bleue" ; mon frère étant plus habile, Papi envoyait ses claquettes dans le vide une fois sur deux… Grosse rigolade de ma part.

Le calme du grand-père me fatiguait parfois quand il conduisait, car s'il était capable de foncer en campagne ou sur l'autoroute, en ville il respectait de lui-même les limitations de vitesse apparues... quinze ans après sa mort (30 km/heure dans certaines artères). En revanche, j'appréciais qu'il roulât toujours sans-à-coups, sans jamais freiner de façon intempestive, comme le font certains excités toujours prêts - comme les scouts - à accélérer pour un oui ou pour non. Papi, c'était un homme qui savait prendre son temps… 

Dix fois, j'eus l'occasion de conduire sa dernière "vraie" voiture : une R30 grise (il avait lâché Mercedes pour je ne sais quelle raison). Un jour nous étions allés déjeuner à Orléans (pourquoi ?) et il me fit confiance au point de piquer un petit somme pendant que j'appuyais sur le champignon. De temps en temps il ouvrait un œil en disant "Oooolaaaaa ! Doucement, doucement…" Il est vrai que je roulais à 180 km/heure et ce sans même ressentir les frissons d'excitation suscités par une vitesse élevée...

C'est lors de ce déplacement que je pris conscience d'une chose qui m'a bien aidé une fois devenu pauvre : posséder une voiture qui monte à 180 en quelques secondes confine au supplice si on doit sans cesse retenir son pied droit... [...] Non, merci. Si je dois me restreindre, je préfère éloigner de moi les violentes tentations...

Une année, au lieu d'aller à Lourdes, nous partîmes sur la côte d'azur, à Sainte-Maxime, à la résidence Brutus. J'en ai gardé un souvenir précis car le type de la réception appelait mon grand-père "docteur", ce qui le flattait. De longues années plus tard j'y retournerais avec ma femme, le temps d'une nuit, lors de notre voyage de noces. Avec Papi nous étions aussi allés à Toulon et j'avais trouvé le port agréable. De longues années après, j'y retournerai également mais pendant mon service militaire dans la Marine nationale… [...]

Pour conclure cet article sur mon grand-père, j'aimerais dire deux mots sur l'image que donnèrent de lui deux journaleux "gauchiasses" qui crachaient leur venin dans Le Monde et dans l'Humanité, en 1973.

Ils étaient venus à Laval pour enquêter à leur façon sur des mouvements sociaux alors en cours et les réactions du patronat local qui fut longtemps symbolisé... par les Gruau !

Une image patronale qui, longtemps, m'a collé à la peau...

"Les trois Gruau,c'est un peu Laval !"

[...] C'est à l'âge de 10 ans, en 1973, que je pris conscience d'appartenir à une famille de patrons.

Cette année-là, alors que le bâtiment traversait une grave crise secouée par des grèves dures, un journaliste du Monde fut reçu par mon grand-père.

Entre ce Pierre-Marie Doutrelant, nourri à l'idéologie soixante-huitarde, et le chef d'entreprise qui dévorait La Croix et L'Action française dans sa jeunesse, c'est peu dire que l'incompréhension s'installa rapidement. Certes le "gamin" ne se fit pas botter l'arrière-train, mais tout juste…

Rentré rue des Italiens, à 300 kilomètres de ce "trou à rats mayennais" où sévissait "la réaction la plus infâme", ce Doutrelant écrivit son article qui parut dans l'édition du 18 octobre 1973, en page 42 :

"Sorte de Jean Gabin en patron de droit divin, bougon, ronchon, grognon : tel apparaît M. Paul Gruau, grande figure du patronat de Laval. En sa compagnie, on parcourt 51 années d'industrie en Mayenne, une histoire que pour sa part il commença à écrire en 1922 avec les culottes bouffantes des charpentiers."

Le Doutrelant aurait sans doute été surpris d'apprendre que son article flatta énormément l'orgueil de mon grand-père qui le citait en bombant le torse.

Trois jours avant cet article, que papi conserva toujours à portée de main, un journaliste de L'Humanité, un certain Charles Silvestre, était lui aussi venu traîner ses guêtres dans l'entreprise Gruau, préférant s'intéresser au petit monde lavallois plutôt qu'aux subsides que son parti recevait chaque année des tueurs du Kremlin…

Les gens ont oublié, pas moi !

Dans son article du 15 octobre, le coco avait écrit, en caractère gras, une phrase résumant assez bien la situation des Gruau sur leur terre mayennaise : "Les trois frères Gruau, c'est un peu Laval."

Pourquoi évoquer ces articles ? Pour montrer que dans les années 70, alors que la gauche unie rédigeait un programme commun de gouvernement qui devait "décoiffer", le nom de Gruau était – à Laval – le symbole d'un patronat pur et dur.

Petit-fils du "patron de droit divin", j'étais directement concerné par cette image qui, souvent, m'agaçait…

Fils de patron

En effet, partout où j'allais dans ma ville natale, dès que je donnais mon nom, les gens faisaient le rapprochement et, certains, je le sentais très vite, manifestaient une hostilité qui ne demandait qu'à s'exprimer.

J'avais beau me moquer complètement de l'industrie, des affaires, refuser de "reprendre" l'entreprise, privilégier la littérature, la musique ou la peinture, être un type simple, ouvert, facile de contact (si si…), j'étais avant tout un Gruau.

Un fils de patron. Un capitaliste. Un privilégié plein de fric. Un profiteur. Un exploiteur…

Cette manière de voir les choses s'est accentuée considérablement quand deux cousins issus de germains sont allés s'installer chacun dans des châteaux non loin de Laval avec piscine et court de tennis. C'était, bien sûr, leur droit le plus strict, mais dans la France des années 70 où la Russie soviétique et la Chine communiste fascinaient les (pseudo) intellectuels et faisaient bicher nombre de journalistes, le résultat était, parfois, pesant pour un type dans mon genre, c'est-à-dire totalement étranger aux affaires, à l'argent...

Cette période paraît aujourd'hui bien lointaine à des millions de Français et des tonnes d'eau ont coulé sous les ponts depuis l'époque où Georges Marchais réunissait des millions de téléspectateurs lors de ses pitreries aux heures de grande écoute. Et, de nos jours, les patrons de PME passent rarement pour des exploiteurs ! Mais en 1973, l'intelligentsia n'était pas si aimable avec les "créateurs d'entreprise". Et l'image des trois frères Gruau suscitait parfois la haine chez ceux qui rêvaient des lendemains qui chanteraient avec, à la tête de l'Etat, l'ancien étudiant d'extrême-droite François Mitterrand, lequel n'avait pas de mots assez durs pour critiquer "l'argent qui corrompt"…

Mon grand-père, Paul, l'aîné, je l'ai déjà écrit, dirigeait une entreprise de charpentes et de constructions métalliques qui employa jusqu'à 220 personnes ; Arsène III, le jeunot, une menuiserie qui en occupait plus d'une centaine et Marius, le frère du milieu, le plus actif, le plus entreprenant, un groupe qui totalisait un effectif de 700 salariés !

Vous faites le compte et constatez qu'un millier de familles dépendaient d'au moins un revenu gagné chez l'un des trois frères Gruau.

Dans un petit département comme le nôtre, pas étonnant que ce nom fasse sensation…

Le fait-il encore aujourd'hui ? Oui, chez certains. Mais l'image patronale n'est plus la même.

Merci à celui qui a su la changer (et qui se reconnaîtra, s'il lit ces lignes...)

Pour en revenir à mon grand-père, il y a encore des "vieux" Lavallois qui, parfois, m'en parlent.

Ils n'imaginent pas la petite joie qu'ils me procurent...