Noël à Laval en 1977

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Lors du Noël 1977, les Lavallois "causent" beaucoup autour de la dinde familiale... 

Ils évoquent la réélection d’André Pinçon à la mairie, huit mois plus tôt et les exploits des footballeurs du Stade Lavallois en première division.

Mais ils parlent aussi de la situation – dégradée – de l'emploi (Praizelin et Barrier s'effondrent suite à la faillite Pouteau) et de la société de consommation qui a fait de la naissance du petit Jésus une fête commerciale…

 

François Mitterrand

Evoquer ce Noël 1977 oblige à se replonger dans un contexte particulier, celui des années 1970...

A cette époque, la politique occupe une place de choix dans les médias (avec des débats animés par le tandem Elkabach-Duhamel à des heures de grande écoute) et dans les conversations entre citoyens, qui se sentent encore majoritairement appartenir, peu ou prou, à l’un des deux camps nés avec la Révolution.

C'est pourquoi en 1977 tout le monde commente la percée de la gauche aux municipales – «un raz-de-marée», d’après le journal Le Monde. En effet, représentée par François Mitterrand (PS), Robert Fabre (MRG) et Georges Marchais (PCF), le «Parti du Mouvement» – selon la terminologie du juriste François Goguel – a remporté 155 des 221 communes de plus de 30 000 habitants!

Georges Marchais

Toutefois, quelques mois après cette victoire historique, dans la nuit du 22 au 23 septembre 1977 exactement, l’Union de la Gauche se brise, suite aux exigences doctrinales d’un Parti Communiste Français alors dirigé par une «bête de scène» médiatique hors du commun, un gaillard au français parfois approximatif ("On a trop souffrir !"), Georges Marchais…

Cette rupture se paye dans les urnes l’année suivante avec la victoire du camp RPR-UDF aux législatives de 1978. Mais, dit le proverbe, après la pluie, le beau temps: trois ans plus tard, en mai 1981, François Mitterrand est enfin porté à l’Elysée après deux tentatives infructueuses face à de Gaulle (en 1965) et Valéry Giscard d’Estaing (en 1974).

Les grands travaux de Laval

Ce contexte politique rappelé, revenons aux festivités de Noël 1977 à Laval où, entre deux commentaires enthousiastes sur l’équipe du Stade Lavallois qui évolue en première division depuis juillet 1976, les habitants évoquent les grands travaux qui perturbent la circulation.

Ces grands travaux ont été mis en place par le successeur de Robert Buron à la mairie de Laval, André Pinçon, qui a été réélu en mars à la tête d’une liste ayant refusé de prendre des communistes, le rouge ne convenant pas à la sensibilité des Lavallois…

Ces travaux concernent le nouvel aménagement de trois places importantes de la cité: celle du Onze-Novembre, qui voit disparaître ses célèbres «fesses à Gonnet»; celle de Hercé, qui voit sortir de terre une nouvelle salle polyvalente en lieu et place du palais de l’Industrie (récemment démoli) et celle du Gast, qui s’enrichit d’une nouvelle bibliothèque (à l’endroit où était naguère la Halle-aux-Toiles).

Les ours en peluche

Et Noël dans tout cela? Il va de soi que les boutiques attirent toujours autant de clients mais, il n’est plus question de se pâmer devant les jouets dernier cri ni de se demander si les filles aiment toujours les ours en peluche qui parlent et les poupées aux poils longs (ou l’inverse)…

En effet, après avoir très brièvement rappelé que la plupart des Lavallois profitaient de cette période pour «gueuletonner» à tout va, Ouest France du 26/12 explique que ce «Noël 1977 aura été pour quelques dizaines de personnes un jour de tristesse et d’inquiétude.»

Dépôts de bilan

«Car deux entreprises lavalloises [Praizelin et Barrier] ont déposé leur bilan ces jours derniers, poursuit-il, et environ 250 salariés vivent dans l’incertitude du lendemain; privés d’un bien dont on ne mesure pas toujours l’importance: le travail (…)»

Une question suit: «combien de Lavallois et de Mayennais ont pensé à eux en cette nuit de Noël, qu’ils soient à table ou à l’église?»

Sage interrogation à une époque où la France est encore loin d’être millionnaire en chômeurs… Et le journaliste de conclure: «ceux qui ne l’auraient pas fait, trop absorbés par leur joie et leurs plaisirs de Noël, ont tout le temps d’y songer en attendant le réveillon du Premier de l’An.»

Mgr Carrière

Déjà, dans ce même numéro, l'évêque de Laval, Mgr Carrière, lointain prédécesseur de Mgr Wicart, a été très clair (il est dans son rôle): «Nous vivons dans une société de consommation effrénée où la jouissance égoïste des uns insulte à la misère des autres, tout près de nous et à travers le monde.»

Des propos qui n’ont pas besoin d’être réajustés en 2010, si ce n’est pour dire que ne rien dépenser pour les fêtes de Noël conduirait au chômage nombre de salariés et de commerçants indépendants.

Sans pour autant améliorer la situation de ceux qui sont déjà dans la panade…